Mark Murphy : La voix du maître
Mark Murphy nous rend visite pour la toute première fois à Québec. Une rencontre inespérée avec le dernier des géants.
Antoine Léveillée
Mark Murphy semble porté par un second souffle ces dernières années. Le chanteur jazz de 79 ans avoue qu’il n’a jamais eu autant de plaisir à chanter sur scène. "J’entends ma voix dans ces salles de concert et je n’en reviens pas moi-même! s’exclame-t-il. J’ai chanté pendant des décennies dans des endroits enfumés et depuis qu’on n’y fume plus, c’est magnifique! Ma voix n’a jamais été aussi épanouie."
À cet âge, c’est inespéré, et cela nous confirme que l’interprète est encore loin de la retraite. Celui qui a renouvelé le répertoire jazz vocal durant plus de 50 années a même fait paraître un nouveau disque intitulé Never Let Me Go l’année dernière. Rien ne semble ralentir sa curiosité, et sa technique légendaire, elle, est toujours au rendez-vous. "Je suis quelqu’un qui reste en quête, je demeure attentif et j’aime les rencontres musicales d’exception. C’est un peu l’histoire de ma carrière. Que ce soit lorsque j’ai revisité Nat King Cole ou encore décidé d’adapter les mots de Jack Kerouac en musique, ma seule motivation est d’essayer ce que je n’ai jamais fait. Mes fans me reprochent parfois certains gestes, comme d’embaucher un batteur issu du monde rock. Mais avec le temps, ils finissent par comprendre!"
Même pour un album consacré comme Songs for the Geese à la fin des années 90, Mark Murphy nous précise que la chose n’était pas gagnée d’avance et que ce disque aurait bien pu rester dans l’oubli. "Pas une seule compagnie de disques ne voulait de Songs for the Geese, c’était très difficile à vendre. Peut-être que mon nom était moins connu à cette époque et que c’était un trop grand risque. C’est sûr que je voulais passer à autre chose, m’aventurer un peu plus. C’est finalement grâce à un disc-jockey que j’ai rencontré à Graz, en Autriche, lors d’une tournée, que j’ai pu faire paraître ce disque sur l’étiquette RCA. C’est un coup de chance, et c’est l’album pour lequel j’ai eu le plus de reconnaissance: six nominations aux Grammy Awards! Parfois, il suffit de s’obstiner et tout finit par s’arranger", constate-t-il en riant.
Murphy n’a jamais fait les choses comme tout le monde et se passe aisément des superlatifs que l’on donne aujourd’hui à des interprètes tels que Kurt Elling. D’ailleurs, ce dernier n’est pas vraiment sa tasse de thé et il avoue (en parfait gentleman) ne pas trop comprendre sa direction artistique. "Chanter, ce n’est pas un labeur, c’est un plaisir, et il faut tout simplement aimer ce que l’on fait."