Arno : Quel bazar
Arno est conscient du personnage qu’il a créé et s’amuse avec lui comme un savant fou. Il se prête au jeu de l’entrevue et porte un regard lucide sur tout le bazar.
La voix éraillée est caractéristique et nous fait parfois penser à celle de Bashung, sauf que l’accent trahit les racines flamandes de l’individu en question. Le chanteur belge Arno l’a d’ailleurs bien connu ce Bashung, et on se rappelle encore cette scène au cinéma où les deux artistes de la chanson se rencontrent dans J’ai toujours rêvé d’être un gangster de Samuel Benchetrit. Chacun y joue son propre rôle, et Arno va même jusqu’à accuser l’autre de lui avoir volé une chanson: Gaby oh Gaby. Un souvenir impérissable pour celui qu’on a surnommé très longtemps le "Jacques Higelin belge".
"Mais je ne suis pas Higelin, je suis Arno, rectifie-t-il en riant. Et je ne suis pas Tom Waits non plus, je suis beaucoup plus beau! Je suis un chanteur, mais pas un acteur. Je sais qu’on me paie pour être acteur, mais je ne joue pas. Je reçois encore beaucoup d’offres et de scénarios chez moi. Mais je refuse très souvent. Je ne vais pas duper les gens, je suis limité comme acteur. Le théâtre, je peux pas faire. La scène, pour moi, c’est fait pour chanter. Je suis chanceux car j’écris comme je parle. Ce n’est pas du travail, j’aime pas travailler. Écrire un livre, ça c’est du boulot. Faire une chanson, c’est trois ou quatre minutes de plaisir."
À l’écouter parler, les années de galère n’ont pas eu le dessus sur l’amour que porte l’auteur-compositeur-interprète à son métier, et son dernier album, Brussld, nous confirme qu’il a encore la touche. "Lorsque je ne suis pas en tournée, je tombe dans un trou et c’est la dépression. Je fais tout ça pour être en tournée, pour voyager avec ma petite planète. Mon guitariste est allemand, mon batteur est belge, mon bassiste est yougoslave et ma choriste est marocaine. Mon pianiste est flamand. Moi, eh bien je suis Jésus-Christ! Tout le monde sait ça, Jésus-Christ est un Belge!" s’esclaffe-t-il.
Sa musique aussi voyage. Même sa reprise de Get Up, Stand Up de Bob Marley (une version piano-voix percutante) tend à s’imposer sur la version originale, et ce coup de coeur tombe à point pour l’artiste. "Get up! Stand up! Le monde est en train de changer, il y a quelque chose qui se passe et les jeunes sont là! Moi, j’ai vécu le cul dans le beurre. J’ai vécu en paix! Maintenant c’est autre chose, c’est la violence et on se dispute sur tout. Je suis furieux et ça me rend triste aussi. Tu vois le bazar?"