Béatrice Bonifassi : Une rencontre réaliste
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Béatrice Bonifassi : Une rencontre réaliste

Béatrice Bonifassi fut la voix du compositeur Benoit Charest, de Champion et de Beast, un groupe électro-rock qu’elle a mis sur la glace pour se consacrer à son premier projet solo présenté à la Salle Jean-Despréz.

Voir: Revenons d’abord sur ce qui a rendu possible ce spectacle: l’arrêt de Beast, un hiatus plutôt surprenant. Une surprise pour tous à l’exception de Betty Bonifassi?

Betty Bonifassi: "Je crois que oui. Tu aurais dû voir les yeux de Jean-Phi Goncalves (NDLR: autre tête pensante du combo) lorsque je lui ai dit que je ne ferais pas de deuxième album. C’est encore très dur pour nous deux. Les efforts de promotion ont amené une commercialité sur Beast qui m’a fait peur. Est-ce que je fais ce métier-là depuis 25 ans pour devenir "marchandable" à 40 ans? Je ne crois pas."

Parle-t-on d’un arrêt définitif?

"Disons que le retour de Beast n’est pas dans mes plans actuels."

Votre nouveau concert s’intitule Le Troquet du bout du monde présente l’Orchestre du Nouveau Monde… Vous cherchiez un titre évasif?

"J’étais d’abord séduite par l’aspect imprononçable de ce titre, mais je l’ai changé depuis pour Le tombeau des trottoirs. Pendant l’entre-deux-guerres et après la Seconde Guerre mondiale, lorsque tu étais une femme seule et pauvre, tu avais deux possibilités: soit tu devenais prostituée avec un maquereau, soit tu devenais chanteuse avec un maquereau aussi. Piaf avait décidé de chanter. Ces femmes se produisaient dans la rue, et surtout aux abords des cimetières où affluaient énormément de gens puisque la moitié des hommes y reposaient. Quand elles avaient froid, les chanteuses s’adossaient contre les pierres tombales réchauffées par le soleil. On les a appelées les pierreuses. Les chansons des trottoirs étaient leur répertoire."

Que trouviez-vous d’attirant dans ce mouvement aussi qualifié de chanson réaliste?

"La naissance de la chanson réaliste correspond au moment où la musique est devenue accessible pour tous. Elle n’était plus l’affaire des rois et des aristocrates. Souvent crève-coeur, ses thèmes se rapprochaient des souffrances des petites gens. Ils étaient au service de l’ensemble. Ces chanteuses ont rallié les foules alors plongées dans une profonde crise économique, ce que nous traversons encore aujourd’hui."