Les Cowboys Fringants : Machine à tounes
Entre la France, où le groupe remplit des salles de 5000 personnes, et le Québec, où il passe la majorité de son temps, Les Cowboys Fringants composent, composent et… composent.
C’est jour de fête au cabaret La Tulipe où Les Cowboys Fringants lanceront le soir même leur album Que du vent. À l’extérieur, les fans font la file, certains sont là depuis quelques heures déjà. À l’intérieur, la grande valse des entrevues est entamée. Jean-François Pauzé, Karl Tremblay, Marie-Annick Lépine et Jérôme Dupras rencontreront 22 journalistes en quelques heures à peine. Nous sommes les douzièmes à nous asseoir à leur table.
"On préfère donner un grand coup pendant deux ou trois jours plutôt que d’accorder une ou deux entrevues ici et là", confie Jérôme Dupras. Le bassiste parle par expérience. Les Cowboys Fringants en sont rendus à leur huitième album studio en 14 ans, une discographie abondante et exempte de compilation "best of", d’album de duos ou de reprises. Un véritable exploit dans le paysage musical populaire actuel. "Le répertoire des Cowboys doit contenir près de 130 chansons pratiquement toutes écrites par Jean-François. C’est une machine", analyse le chanteur Karl Tremblay. "Je travaille fort, d’expliquer la machine. Je ne suis pas du genre à attendre l’inspiration divine parce qu’en tant que procrastinateur ultime, je sais que ça ne viendra pas. Je m’assois devant mon ordinateur avec ma guitare et je me force. Et puisque je ne chante pas mes compositions, j’évite les sujets plus intimes. Ça m’oblige à m’ouvrir à ce qui se passe autour de moi, à créer des personnages. Parce que Karl n’a pas envie de chanter mes histoires personnelles. De toute façon, je ne serais pas à l’aise qu’il le fasse."
Contrairement à ce que le groupe évoque dans Hasbeen, une satire de ce que pourraient devenir Les Cowboys Fringants dans 20 ans, on ne peut certainement pas l’accuser de surfer sur son passé. Les thèmes de ses chansons, une constante critique sociale déclinée à travers les portraits de personnages charismatiques, finissent bien par se recouper; le style folk n’a jamais vraiment changé non plus, mais le quatuor exploite un filon dont lui seul détient la clé. "Chaque disque est tout de même guidé par une ligne directrice différente, constate Jérôme Dupras. Pour L’expédition, on voulait un album plus chaleureux. Cette fois, on avait envie de plus de dynamisme."
"On voulait accentuer l’effet de party en concert, intervient Marie-Annick Lépine. On avait plusieurs options pour y arriver: piger dans nos vieilles tounes, revisiter certaines chansons en leur donnant plus d’énergie… Mais on a préféré penser le nouveau disque en fonction de ce qu’on cherchait: des tounes qui bougent."
Avec les Party!, Hasbeen, Télé, Marilou s’en fout et Paris-Montréal qui naissent toutes d’une énergie fédératrice, de quoi mettre le fun aux planches, Que du vent est effectivement l’un des albums les plus rythmés du combo. L’attitude intempestive des premiers disques est de retour, quoique bonifiée par une nouvelle maturité comme dans Classe moyenne, un opéra trad explosif relevé par le Charbonnier de l’enfer Michel Bordeleau. "Pour être franc, on n’aime pas trop sortir de notre son, lance Karl Tremblay. On a développé une personnalité qu’on n’a pas envie de laisser tomber pour aller faire du dubstep. De toute façon, on ne serait pas bons. On ne va pas se lancer dans un style qu’on maîtrise peu sous prétexte de diversifier notre carrière."
Les Cowboys Fringants
Que du vent
(La Tribu)
En vente dès maintenant
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L’ADISQ
Après la sortie de Jean-François Pauzé sur Facebook qui demandait aux fans de ne pas voter pour Les Cowboys Fringants dans la catégorie Groupe de l’année à l’ADISQ, plusieurs s’attendaient à ce que le groupe refuse le Félix ou, à tout le moins, mentionne son malaise en allant le chercher le 30 octobre dernier. Or, il n’en fut rien. "Au départ, j’étais surpris qu’on se retrouve en nomination, explique Jean-François Pauzé. J’ai passé toute l’année en pantalon de jogging à la maison à écrire des chansons. Mais le soir du gala, on ne voulait pas mettre de l’huile sur le feu pour rien. On ne voulait pas attaquer nos fans ou l’ADISQ, même si c’était ce que plusieurs personnes souhaitaient." Est-ce que ce revirement de situation aurait un lien avec le fait que le gérant du groupe, Claude Larivée, est aussi président de l’ADISQ? "Non, rétorque Jérôme Dupras. Claude est assez intelligent pour savoir quand enlever son chapeau de président de l’ADISQ et mettre celui de gérant des Cowboys."