Le Grand Théâtre a 40 ans : Toujours vivant
Le Grand Théâtre célèbre ses 40 années d’existence avec une réunion de famille. Une famille artistique hors du commun, éclectique et parfois même éclatée.
Arrivé au Grand Théâtre de Québec, on constate que le metteur en scène Martin Genest se questionne sur la longévité du graffiti qui trône sur l’une des façades du Grand Théâtre de Québec. Le "liberté" résistera-t-il aux intempéries des prochains jours? "On ne peut pas le retoucher, ce serait trop compliqué", nous explique celui qui dirige les activités qui soulignent le 40e anniversaire de l’établissement cette année. "On se croise les doigts pour qu’il résiste le plus longtemps possible, idéalement jusqu’au soir du 17 décembre, le point culminant des célébrations."
Le graffiti géant du collectif Doyon-Rivest a fait jaser lors de son "dévoilement" en novembre et a alimenté quelques polémiques autour de sa valeur artistique. Sans compter que le mot liberté a été utilisé à toutes les sauces à Québec, pensons à une certaine station de radio de la région alors en guerre avec le CRTC. Bien entendu, ce "liberté" endosse un tout autre message pour le Grand Théâtre. Lorsque Genest a fait appel au collectif, il voulait non seulement représenter l’importance des arts visuels dans l’histoire de l’édifice, mais aussi démolir certains clichés.
"On savait que ça allait provoquer. C’est un graffiti, donc ce n’est pas une oeuvre qui doit être belle, c’est le message qui est important. C’est plate, car j’ai l’impression que le message n’a pas circulé suffisamment ou n’a pas été compris. Ce geste veut dire que ce lieu n’est pas seulement l’affaire d’une élite. Toutes sortes de mondes, toutes sortes de disciplines artistiques se manifestent dans cette bâtisse, et presque tous les arts y sont représentés. Le graffiti, c’est l’art de la rue. Ça démontre qu’on veut réunir tous les mondes artistiques et les publics dans cette enceinte."
Électrons libres
Le metteur en scène et marionnettiste, qui a signé, entre autres, la réalisation du Cabaret Gainsbourg, se garde bien de vouloir faire la révolution, mais lorsqu’on se retrouve dans l’immeuble où trône la murale de Jordi Bonet, comment ne pas éprouver un sentiment idéaliste? Après la mise en oeuvre de plusieurs manifestations artistiques extérieures, comme dernièrement l’oeuvre déambulatoire du chorégraphe Harold Rhéaume à Place Fleur de Lys, Martin Genest se concentre maintenant sur la conception d’un ultime spectacle qui invitera sur scène Pierre Lapointe, le pianiste Alexandre Tharaud, Catherine Major, Yann Perreau, Patrick Watson, Robert Charlebois, Damien Robitaille, Ariane Moffatt, l’OSQ et plusieurs autres dans une succession de rencontres inédites sous la direction musicale d’Alex MacMahon.
"On n’a pas envie d’un spectacle poussiéreux qui ne fait que relater le passé. Il y aura bien quelques projections vidéo d’archives, mais il n’est pas question de faire une rétrospective historique, ce n’est pas le mandat qu’on a choisi. C’est plutôt la réunion entre le passé, le présent et le futur. Tu retrouveras certains artistes, dont Pierre [Lapointe], qui chanteront un classique qu’ils ont choisi et même une chanson inédite qui paraîtra sur un nouvel album. Pour le public, ce sera une série de surprises. Mais, on voulait surtout réunir, Louis [Tremblay, co-concepteur de la production] et moi, une gang de jeunes qui viennent triper avec nous autres au Grand Théâtre. À nos yeux, et à ceux de Michel Côté aussi [programmateur musical au Grand Théâtre], ils représentent la musique d’aujourd’hui et sont la crème de la crème."
"Ce genre d’événement, c’est un moment de rencontre pour nous, les artistes, ajoute Pierre Lapointe. Nous avons tous, d’une manière ou d’une autre, déjà travaillé ensemble. On pourrait dire qu’on fait partie de la même "famille musicale". Je veux dire par là que notre attitude se ressemble, tous styles confondus. Le pianiste Alexandre Tharaud fait lui aussi partie de cette "famille", même s’il fait de la musique classique. Je le connais bien et c’est un grand ami. Nous avons suggéré ensemble deux inédits que nous avions faits auparavant lors d’une rencontre officielle à Paris, au ministère de la Culture. Il y aura une chimie entre tous les musiciens présents lors de cette soirée, car je crois que Martin et Louis seront en mesure de rendre l’événement convivial. Le but, j’imagine, c’est de nous voir sur scène communiquer notre passion pour l’art."
La liberté, les concepteurs du spectacle Martin Genest et Louis Tremblay ont décidé de la montrer, en chair et en os, avec des artistes qui défendent l’avenir de la musique et de la chanson sous toutes ses formes, au Québec et même ailleurs. Mais surtout, c’est la raison d’être d’une institution qu’ils tentent d’illustrer: rester en vie, coûte que coûte.
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Souvenirs, souvenirs
C’est au Cégep de l’Outaouais que Pierre Lapointe entendit parler pour la première fois du Grand Théâtre de Québec en étudiant la murale de Jordi Bonet dans l’un de ses cours d’histoire de l’art. Depuis, l’artiste a pu la scruter à la loupe entre deux spectacles et cultiver une relation de prédilection avec l’établissement. "C’est une salle qui est proche du milieu institutionnel et des fonctionnaires, mais elle demeure ouverte à certaines disciplines artistiques parfois marginales et ce mandat perdure. Lorsque j’ai pu faire le spectacle avec le Consort contemporain de Québec, je me suis rendu compte que le Grand Théâtre restait ouvert et attentif aux artistes qu’on pourrait qualifier d’underground. Et c’est aussi le seul endroit, avec Montréal, qui a reçu mon spectacle multidisciplinaire Mutantès. C’est un lieu de rencontres artistiques."