Bilan musique : Le chemin de croix?
Bilan musical 2011: malgré une offre de qualité, la scène indépendante québécoise est au bord d’une crise qui pourrait la ramener 10 ans en arrière.
Dans ce genre d’exercice de fin d’année, louanger les artistes d’ici est généralement de mise. Comme l’an dernier, j’aurais pu écrire que la scène musicale québécoise se porte bien, qu’il y a tant d’artistes à découvrir: Philippe B, Karim Ouellet, Caracol, Galaxie, Catherine Major, Alaclair Ensemble, Koriass, Maybe Watson, Monogrenade.
Mais voilà, nous sommes en décembre 2011, et j’ai peur. Peur que les artistes de la scène émergente québécoise se retrouvent à nouveau confinés dans l’underground comme à la fin des années 90. Il restera toujours quelques exceptions pour me faire mentir, je pense à Bernard Adamus, mais je constate que les musiciens capables de sortir de l’ombre sont de moins en moins nombreux. Après tout, voilà maintenant quatre ans d’affilée que l’on parle de « l’année Karkwa« …
Plusieurs facteurs sont en cause. La baisse des ventes d’albums en est certainement un, mais je tiens ici à insister sur le déclin de la presse écrite. Il y a quelques années, à Montréal seulement, les Malajube, Karkwa et Arcade Fire profitaient de tribunes importantes offertes par La Presse, l’hebdomadaire Ici, Nightlife, Le Devoir et Voir.
Six ans plus tard, les pages artistiques de La Presse ont fondu comme celles de Voir; Ici appartient à l’histoire; et Nightlife est passé de dix à quatre parutions par année. On en parle peu, mais cette décroissance du papier affecte la scène indé puisque la presse écrite demeurait son dernier rempart médiatique. Il y a cinq ans, un groupe comme Canailles ou un auteur-compositeur-interprète comme Karim Ouellet se seraient déjà retrouvés en couverture de Nightlife ou d’Ici. La Presse et Voir leur auraient consacré de longs articles de fond. Or, aujourd’hui, les journaux restants n’ont simplement plus l’espace pour couvrir la scène locale à la hauteur de leur intérêt.
Et ne comptez pas sur les grands réseaux de télé ou les conglomérats radiophoniques privés pour faire une place à Canailles. Vous savez pourquoi CKOI refuse de faire jouer le très accessible album de Karim Ouellet, Plume? Parce que NRJ ne le fait pas jouer, et vice-versa… Beau cercle vicieux.
Et Internet?
On a longtemps prétendu qu’Internet devenait alors le principal véhicule de diffusion d’un jeune groupe. Ce fut MySpace, aujourd’hui remplacé par le plus efficace Bandcamp. Vrai que le Web demeure un outil fabuleux pour rejoindre ses fans, mais Twitter et Facebook sont conçus pour que votre timeline ou votre mur reflètent avant tout vos propres champs d’intérêt. Pour prêcher à des convertis, à des gens déjà intéressés par l’émergence, il n’y a pas mieux, mais pour rejoindre un bassin de fans plus large, j’en doute davantage à chaque refresh.
Sans compter que ces mêmes réseaux sociaux sont en constante recherche de nouveauté. Selon Influence Communication, la durée de vie d’un hashtag (mot-clic) est de 120 minutes. Ainsi, même avec une bonne vingtaine de retweets d’une critique élogieuse, votre temps sous les projecteurs risque d’être insuffisant pour engendrer un réel succès populaire.
OEuvre à vendre
À partir du moment où un artiste ne vend plus d’albums et que sa couverture médiatique est aussi en baisse, on ne peut le blâmer de s’associer à des marques par le biais de la pub ou de tout autre événement corporatif, lire un concert-événement dans le stationnement souterrain d’une université bondée. À l’international, Bon Iver, Feist et The Black Keys doivent tous une bonne part de leur succès commercial à la publicité. Non seulement on ne peut pas leur en vouloir, mais on ne peut pas les traiter de vendus parce que les marques ne leur demandent plus d’adapter leurs pièces, leurs textes ou leur son.
Puisque chaque compagnie souhaite être unique et développer sa propre personnalité, on recherche justement la différence, le coup d’éclat, la meilleure manière de s’introduire dans votre vie quotidienne.
Paradoxalement, c’est parce que les marques souhaitent davantage s’intégrer subtilement dans votre vie que les annonceurs délaissent la presse écrite, principal facteur expliquant le déclin du média papier. À force de ne plus vouloir être 1/3 de page au bas de cet article, préférant la pub intégrée de Google, les encadrés interactifs du Huffington Post ou vous attirer directement dans leur succursale avec un concert-surprise de Random Recipe, les annonceurs tournent le dos au papier, ce qui réduit considérablement notre espace éditorial.
Alors, roue qui tourne ou spirale négative?
Top 5 des événements musicaux de 2011 dont on se souviendra /
1- Le concert d’Arcade Fire / Karkwa dans le cadre du Pop Montréal
La crème de la scène indépendante anglophone et francophone s’unit devant 100 000 spectateurs en plein coeur du centre-ville. Historique.
2- La réunion Jay-Z / Kanye West
Même si leur album Watch the Throne est inégal, Jay-Z et Kanye West sont les deux plus grands rappeurs de la décennie. Il fallait les voir ensemble au Centre Bell enchaîner les classiques.
3- Le succès d’On va s’aimer encore de Vincent Vallières
Une chance qu’on s’a de Jean-Pierre Ferland a enfin un adversaire de taille dans la course aux chansons de mariage par excellence.
2011 selon Vincent Vallières: « 2011, c’est l’année où j’ai commencé à appeler ma blonde et mes enfants pour leur dire que je les aimais avant chacun de mes passages sur le pont Champlain. Comme j’y suis passé plusieurs fois par semaine, pas de doute que la structure vétuste a contribué à resserrer les liens familiaux.
L’équilibre et la confiance, la classe politique a continué de les bafouer encore et toujours en n’écoutant rien des préoccupations citoyennes. Fuck Kyoto! Go industrie pétrolière bitumineuse! Go gaz de schiste! Go corruption! Pis mon CH qui en arrache comme jamais et qui embauche un entraîneur qui parle juste anglais.
Pas grave, mon fils Théo, 4 ans, a marqué son premier but cette année. Quand il a levé les bras en me regardant dans l’estrade, j’ai compris que la pureté existe encore et que je me dois d’y croire. »
4- U2 à l’Hippodrome de Montréal les 8 et 9 juillet
Au coeur de la tournée la plus lucrative de 2011, U2 est débarqué sur le terrain vague de l’Hippodrome pour y construire sa propre ville de 80 000 habitants.
5- La mort d’Amy Winehouse et tous ces autres disparus
Elle avait 27 ans et sans doute encore quelques grandes chansons dans le corps. Elle est allée rejoindre Claude Léveillée, la chanteuse de Broadcast Trish Keenan, les White Stripes, R.E.M. et The Sainte Catherines (concerts d’adieu en 2012).
ouai, mais nous les arshitechs du son on diffuse du Karim Ouellet, du CEA, du Koriass,…..et pleins d’autres talents du Québec….et ça depuis presque 15ans……alors faut en parler mr ou mme DEVOIR……et on est pas underground puisqu’on est l’émission la plus écoutée de Chyz Radio!!!!!!!!!
Ça fait du bien de lire un regard lucide sur la musique! On s’est tellement fait rabattre l’exemple de de M. Vallaire pour se faire dire que l’innovation sauverait la musique émergente.
C’est une vérité de Lapalice qu’en contexte changeant, l’innovation est requise, mais au bout du compte, est qu’on a une amélioration ou une dégradation de l’environnement musical?
Je vous laisse trancher.
Étant moi-même auteur-compositeur-interprête, je trouve le billet de M. Robillard-Laveaux très pertinent et intéressant. permettez-moi d’ajouter quelques observations ou réflexions…
Oui, les artistes de la relève exitent. Ils sont pertinents et ils ont des choses à dire mais, – excusez-moi l’expression – pondent-ils des « hits », c’est-à-dire des chansons dont on se souvient, des chansons qui marquent au fer rouge? C’est ce que M. et Mme Tout-le-monde aime. Karkwa, grand succès d’estime depuis quatre certes mais pas de chansons fédératrices comme celles des Colocs ou des Cowbow Fringants… Ils faut chez ces artistes assumer ces choix artistiques…
Le problème, au Québec – et il est connu depuis longtemps – c’est que d’excellents groupes comme Karkwa ou Malajube (et on ajoutera les Karim Ouellet que vous voudrez) ne disposent pas de la masse critique de fans qui leur permettent de vivre – ou si peu – de leur art… La plupart des nouveaux artistes aux Québec vivotent grâce à leurs apparitions aux lucratives émissions télévisées et radio des grands réseaux (Radio-Canada, TVA, Télé-Québec et autres) et aux différents festivals d’été… Hors de ses lumières (ou rampes de lancement), point de salut.
Sans « hits », pas de radio, sans radio ou télé, vous demeurez inconnu du grand public et dans ce cas, vos salles de spectacles sont vides (et ce si déjà, vous avez la chance d’être programmé par un diffuseur de spectacle). Cette réalité frappe même – mais dans une moins mesure – des artistes établis(Leloup, De La Rochelière, Parent, Boucher et cie) qui n’ont pas connu de succès radio depuis quelques années…
Bien sûr, il y a des exceptions mais combien? Et les Québécois? Quel pourcentage apprécie la musique francophone québécoise? Combien achètent en se rendant compte qu’aujourd’hui, il s’agit presque d’un geste politique permettant de soutenir l’art québécois? Combien s’en soucient, combien se laissent séduire par les sirènes anglo-saxones? Et encore, est-ce que ça prend des hits pour que les albums et les billets de spectacles se vendent ou faut-il au préalable apprécier massivement la chanson québécoise pour que les radios emboîtent le pas et diffuse des chansons québécoise qui pourront – à force de tourner – devenir des hits? La poule ou l’oeuf… (Sûrement un peu des deux j’imagine)
En terminant, je ne peux que féliciter des stations radio comme CHYZ radio à Québec ou CIBL à Montréal (et dans une moindre mesure Radio-Canada) qui donnent une voix aux artistes du champ gauche, et chapeau également à leurs auditeurs qui effectuent presque qu’un acte de résistance en écoutant ces radios alternatives qui ne sont pas là pour nous abrutir de pubs et de chansons mièvres ou de tentatives médiocres visant de reproduire des « hits-dance » américains en français…
Ah oui, encore un point, qui consomme la musique au Québec? Les jeunes? Les ados? Les jeunes professionnels? Les familles? Les boomers? Puisque la pyramide des âges s’inverse et que la population qui avance en âge tend à rester davantage à la maison (sauf pour de grande sorties (Desjardin symphonique, Bon Jovi et autres), on a peut-être une partie de la réponse… (Mais ça reste à vérifier)
Désolé pour les fautes, je me relierai davantage le prochain coup…
un autre facteur en cause du DÉCLIN DE LA SCÈNE MUSICALE QUÉBÉCOISE (!!!) :
-le Voir qui perd encore son temps à parler d’Arcade Fire, Malajube et Karkwa et qui parle seulement des trois finalistes des francouvertes des 2-3 dernières années. (un gros 5 paragraphes avant de ploguer Canailles – pas pire, man.) et j’avais pas entendu parler du fameux concert d’adieu de la Patère Rose? mais qui sont ces gens? vous en parliez comme si les Stones s’étaient séparés et que Jagger allait faire un album solo. Pendant ce temps. pleins de nouveaux groupes qui vous arrachent la gueule explosaient dans la ville. trop méchant pour vous?
Dire que Myspace est ‘remplacé par le plus efficace Bandcamp’ est un total manque d’ignorance. Myspace a révolutionné la scène. Bandcamp n’a rien foutu à part offrir des tounes. Myspace a permis aux gens (appelons-les ‘musiciens – pourquoi pas) de se connaitre, de s’écouter, de s’organiser des shows avec des inconnus qui sont devenus des potes et de se faire connaitre des petites demoiselles ayant soif de musique (et de musiciens).
ooooh et mettre la mort dans le même panier que la disparition de groupes – bravo.
(et peut-être que ckoi et nrj ne passent pas ce dit Ouellet car il fait de la merde?)
merci, santé, ouais. perte de temps quand tu me tiens. xo