Dubstep 2.0 : Les deux vies du dubstep
Musique

Dubstep 2.0 : Les deux vies du dubstep

Cinq ans après avoir connu son apogée en Angleterre, l’enfant illégitime du jungle et des musiques jamaïcaines semble avoir trouvé un nouvel élan et continue de croître en popularité. Que s’est-il passé? Trajectoire d’un Frankenstein.

Qui se souvient du big beat, du two-step, du grime ou du baile funk? La culture électronique s’est nourrie de ces rythmes aussi importants que passagers. Une année ou deux de singles envahissants, de soirées enflammées, puis on passe à autre chose.

En 2006, quand les assauts lents et lourds de The Bug, Skream, Benga et Kode9 ont atteint l’Amérique du Nord, les mordus annonçaient déjà un destin semblable pour le dubstep. Selon les puristes, ce mélange de grooves reggae, d’effets dub et de froideur électro avait déjà connu son plein essor entre 2002 et 2005 dans les clubs anglais.

Cinq ans plus tard, cependant, le genre a toujours la part belle et ne semble pas vouloir faiblir. Britney Spears, M.I.A., Rihanna et James Blake l’ont intégré à leur discours pop, et sous la surface, les institutions consacrées au genre (partys, labels, etc.) continuent de bourgeonner. Pour un courant électro, c’est une durée de vie anormalement longue.

Marc LaTulippe, alias Construct, est DJ dans la plupart des événements dubstep à Montréal, en plus de diriger le site Web jaimeledubstep.com, dont les représentants occuperont une scène de l’Igloofest le 13 janvier. Selon lui, deux points charnières sont venus redéfinir le genre. "Vers 2008, Computer Music Magazine a publié des tutoriels pour faire du dubstep et on s’est mis à retrouver des presets dans les logiciels de production sonore."

Puis, le phénomène Skrillex et son "brostep", une version stéroïdée du genre. "Skrillex a apporté un fleuve d’attention quand il a fait la une de Spin. Il a aussi coréalisé le nouvel album de Korn avec Excision et Datsik… Ça a multiplié l’attention et l’énergie." De tels développements n’ont pas été que positifs, souligne Construct. "Le dubstep, en 2011, est devenu un peu plate. C’est devenu une musique d’aréna. Ça bouge beaucoup, tu peux même faire des moshpits."

Loin de tuer les ardeurs, cependant, cette appropriation par le mainstream a plutôt poussé l’underground à se rebiffer. "En 2011, t’as eu une séparation. Plusieurs se sont lassés de la distorsion et de la répétition. On est revenu au 808 (ndlr: un modèle classique de boîte à rythmes), à des sons épurés, sans filtre ni compression." Selon Construct, le salut passe maintenant par la bass music, soit l’ensemble des genres voisins, qui se nourrissent du dubstep sans y adhérer pleinement. "Jacques Greene, par exemple, donne dans un hybride de house, de dubstep et de techno. Addison Groove, Scuba ou Pearson Sound, qui va aussi jouer à l’Igloofest, ou encore le label Wheel & Deal. Le dubstep se mêle au UK garage et au deep house, et ça donne des sons vraiment intéressants."

Qu’est-ce qui a fait du dubstep le Highlander des musiques électroniques? Selon Construct, c’est son ouverture. "Ce n’est pas un genre aussi cadencé et ancré dans une culture précise que bien d’autres, suggère-t-il. Il s’est aussi nourri d’un peu de tout. Que tu sois fan de death métal ou de hip-hop, il y a quelque chose là-dedans qui accroche l’oreille."