Charlie Winston : Le tout pour le tout
On a connu Charlie Winston à titre de hobo, un vagabond solitaire en quête d’aventures. Le voici de retour avec un disque qui nous révèle un artiste idéaliste.
Lorsque nous avons questionné Charlie Winston à propos de son dernier effort discographique, Running Still, nous étions à mille lieues d’imaginer que la conversation aurait une teneur quasi philosophique. L’artiste anglais a bel et bien décidé de casser le moule avec cette nouvelle production réalisée en compagnie du producteur Tony Berg (Aimee Mann, Weezer et Bob Dylan) à Los Angeles, et a surpris les critiques avec une direction artistique inusitée. Mais de là à s’attarder sur les raisons fondamentales qui animent le musicien à faire ce métier, ça, c’était une surprise.
Déjà deux chansons font leur chemin dans les palmarès, dont Hello Alone, qui souligne le talent du barde pour les rythmes acoustiques simples et accrocheurs. On aurait tort de se limiter à ce single prévisible, car cet album audacieux emprunte au fil des plages un chemin parsemé de citations musicales éclectiques. Au menu, du breakbeat, du soul et du funk. Winston range au placard l’image du troubadour féru de jazz que nous avait montré l’album Hobo. "Tony Berg a été génial, souligne-t-il. Je me suis retrouvé chez lui, avec sa famille, pour travailler à mon rythme dans son studio. C’est important d’être véritablement en contact et de pouvoir connaître un partenaire. Il faut savoir décrocher de l’agenda et revenir à l’essentiel pour travailler correctement. J’ai décidément voulu passer à autre chose avec Running Still."
Dans ces circonstances, Winston n’a pas manqué d’inspiration. L’artiste a composé une fresque musicale presque discordante où l’écriture devient une forme de discours introspectif salvateur pour l’interprète. À titre d’exemple, la chanson Great Conversation, où l’interprète s’adresse à Ludwig van Beethoven tout en interprétant au piano un extrait de la Moonlight Sonata. "Chacune de ces chansons est un dialogue, affirme-t-il. Je m’adresse à quelqu’un et confronte aussi ce qui m’inspire. Lorsqu’on compose, on est en droit de se poser la question suivante: est-ce que c’est significatif? C’est-à-dire, pourquoi une chanson ou une oeuvre survit-elle à un artiste? Peu importe la décennie ou même le siècle, pourquoi une pièce de musique touche-t-elle les gens? Beethoven est un exemple évident pour évaluer l’importance d’une oeuvre musicale dans l’histoire. Avec Great Conversation, j’ai voulu me questionner sur ça. Pourrai-je, moi aussi, faire partie des "grandes conversations" dans le futur, comme Beethoven? Je veux que ça arrive!"
Autant dire que Charlie Winston est ambitieux. Serait-il en quête de l’oeuvre totale? "Il n’y a rien de prétentieux dans ce que j’avance, loin de là, précise-t-il. Je trouverais ça inutile de faire ce métier si je n’avais pas en tête la responsabilité qu’il impose. Ce n’est pas par vanité que je me pose ces questions, et je me fous pas mal de récolter les honneurs et les bravos! Mais lorsqu’un musicien disparaît, pourquoi s’attarde-t-on sur son travail? Est-ce toujours justifié? Qu’est-ce qui fait la différence? Je crois que tous les grands musiciens, dont le travail est significatif, se sont un jour remis en question. Ils ont même pris des risques énormes dans leur carrière. Je ne suis pas exceptionnel, mais je vais faire tout ce que je peux avec ce métier."