Bruce Cockburn : Des mots qui sonnent
Bruce Cockburn baigne toujours dans le folk et le militantisme, mais cogite une nouvelle production bruitiste. Du haut de ses 66 ans, le troubadour ne manque pas d’inspiration et s’adapte à la vie avec sagesse.
Bruce Cockburn
pensait bien signer un album concept lorsqu’il visualisait un 31e album en carrière il y a deux ans: guitares électriques, amplis et pédales de distorsion en vedette. Une expérience noise presque salvatrice. "Mais j’ai eu un nouvel enfant, alors l’expérimentation noise dans le studio maison devenait problématique! Finalement, on s’adapte à tout!" remarque-t-il à la blague.
C’est plutôt Small Source of Comfort qui s’est imposé, un disque folk acoustique inspiré et aux textes symboliques. "My name was Richard Nixon, only now I’m a girl", c’est avec ces paroles que s’ouvre la chanson Call Me Rose, par exemple. Des paroles qui surprennent, avec un phrasé à la Bob Dylan. Imaginez "Tricky Dick", ce 37e président des États-Unis dont la carrière a pris fin avec le scandale du Watergate, se confier de la sorte pour résumer ce qu’il a été: le "king of the world". C’est un peu l’idée qui se cache derrière cette chanson, critique à l’égard de la gent politique. Pas surprenant de la part de Cockburn qui, surtout depuis l’album Stealing Fire et le succès If I Had a Rocket Launcher, cultive sa protest song.
Ressusciter ainsi Nixon serait-il une façon de transposer une ère trouble de l’histoire américaine, celle des années 70, de la guerre froide et du Viêt Nam, dans un 21e siècle qui ne manque pourtant pas de controverses? "C’est une façon originale de voir la chose: aurait-on besoin de Nixon aujourd’hui!? ironise-t-il. Je n’avais pas d’intention précise en écrivant Call Me Rose. C’est la première fois de ma carrière que j’ai cette impression étrange d’avoir écrit pendant mon sommeil. Parfois, c’est si simple! Je me suis levé, j’ai commencé à écrire les premières paroles, et tout a suivi."
"Nixon n’est pas le pire homme politique qui ait existé sur la planète, constate-t-il. Ce n’était pas le diable incarné, mais c’était un homme puissant et il a tout perdu. En travaillant sur Call Me Rose, je pensais à W. Bush qui, tout juste avant de terminer un mandat, tentait de réhabiliter aux États-Unis la présidence et l’héritage de Nixon avec des activités partisanes grotesques. J’étais aux États-Unis et je ne voyais que ça à la télé pendant un mois… Et puis soudainement, plus rien. Comme si le budget était à sec! Je trouvais ridicule qu’on s’amuse ainsi avec l’histoire et le personnage, et Nixon m’est resté à l’esprit. Dans le fond, cette chanson, elle parle de rédemption."