Philippe B : Variations sur un chef-d’oeuvre

C’est souvent un coup de dés. Tous les budgets promotionnels du monde (ou presque) ne pourront garantir le succès d’un album et contribuer à la pérennité d’un artiste. Comment être sûr de quoi que ce soit? Dans le cas d’un album concept qui s’inscrit en dehors des tendances populaires et revendique une direction artistique pointue, on pourra facilement justifier le peu de visibilité de cette production discographique en affirmant que l’exercice est élitiste, voire expérimental. Lorsque Philippe B nous a présenté Variations fantômes au printemps dernier, on se doutait bien que le troisième disque de l’auteur-compositeur-interprète pourrait souffrir de telles étiquettes.

Mais voilà, jouissant d’un succès critique quasi unanime, le disque Variations fantômes a refait surface dans les palmarès musicaux de l’année 2011. Philippe B n’a pas été oublié, à un point tel que l’artiste lui-même va jusqu’à dire qu’il vit en ce moment un second lancement de disque. "J’ai l’impression que pour plusieurs personnes, Variations fantômes est sorti au mois de décembre et non au mois de mai. Presque huit mois plus tard, je retourne faire la promo du disque! J’ai pu profiter d’une belle visibilité dans les palmarès 2011 qui sont sortis sur la musique québécoise et j’ai remarqué un changement, dans les ventes de disques et dans la vente des billets des spectacles. Et dans la foulée, nous allons faire la conception d’un spectacle original qui va présenter le concept de cet album. Ça, c’est vraiment génial!"

Il faut souligner que Philippe B a la tête pleine de participations ces jours-ci. En compagnie du Quatuor Molinari (dont Frédéric Bednarz, violoniste, a contribué à Variations fantômes), il s’affaire aux derniers préparatifs entourant la mise en scène d’un concert qui, dans le cadre de Montréal en lumière, regroupera sur scène une douzaine de musiciens. Le contexte idéal pour mettre en relief les extraits "classiques" qui parsèment sous la forme de mashup les chansons de l’artiste. Vivaldi, Couperin, Ravel, Tchaïkovski, voici quelques-uns des compositeurs qui accompagnent les pièces folks du musicien. "Nous devons faire des réductions dans l’instrumentation, par exemple dans la "Pathétique" de Tchaïkovski sur Chanson pathétique. Pour d’autres, on change la dynamique complètement. Ma photographe [guitare-voix sur l’album], je la chante avec un quatuor à cordes qui m’accompagnera avec une succession de pizzicati."

Un terrain de jeu fertile où le musicien, féru de musique impressionniste (Debussy, Ravel et Poulenc), trafique à sa guise quelques oeuvres immortelles. Même ses partenaires musiciens issus du conservatoire ont eu des surprises. "Pour California Girl [sans doute la plus pop de l’album], j’ai utilisé un extrait du quatuor La jeune fille et la mort de Schubert pour m’aiguillonner. Je voulais faire une chanson à la The Shins, que j’adore. J’avais le couplet, mais pas de refrain… Le sampling de Schubert était en ré mineur et tout était réglé. Sauf que la rythmique n’est plus la même pour le quatuor à cordes et ça le déstabilise. Tu peux constater à quel point je n’avais pas d’idées préconçues lorsque j’ai choisi ces extraits."

À Québec, tout juste avant cette création, c’est entouré d’une guitare, d’un piano et d’échantillonnages que Philippe B présentera Variations fantômes, un corpus de chansons polymorphes qui se prête à tous les contextes. "Ce spectacle solo n’est pas un compromis, souligne-t-il. J’ai toujours observé avec attention les chansonniers des années 60 et je trouve qu’il y a quelque chose d’unique dans un tour de chant solo. On se retrouve avec le texte et très proche des gens. C’est naturel et c’est vrai, comme les thèmes des chansons. Mais, sans que ce soit un orchestre de chambre, je vais revenir en compagnie d’un quatuor à cordes au courant de l’année."