Tigran Hamasyan : La conquête de soi
Grâce au succès de son dernier album, le pianiste Tigran Hamasyan est bien positionné sur la scène jazz internationale. L’artiste cherche maintenant à garder l’équilibre dans cette carrière qui part en flèche et se prépare pour la suite.
Depuis la sortie de son dernier album (son premier sur l’étiquette Verve), le pianiste Tigran Hamasyan constate qu’il est bel et bien sorti de l’anonymat. A Fable a pu jouir d’une critique très favorable et les engagements se sont multipliés pour l’artiste d’origine arménienne. Sans cesse sur la route, le jeune virtuose compose maintenant avec le fait d’être en mouvement perpétuel. "J’ai toujours pu profiter de certaines périodes d’écriture et de composition par le passé, se souvient-il. J’avais des pauses entre les séries de concerts. Maintenant, c’est différent. En fait, je ne suis pas certain que j’aurais pu imaginer ce qui m’arrive aujourd’hui avant la sortie d’A Fable. Ne t’en fais pas, je suis très content. J’espère seulement trouver le moyen d’équilibrer tout ça. D’être seul et chez moi, seul avec ma musique, et d’avoir le temps de me ressourcer, de composer et d’avoir de nouvelles idées, c’est ça qui me manque."
Un point positif que le pianiste semble apprécier, c’est que le répertoire de son dernier disque a continué d’évoluer et de se transformer grâce à l’expérience scénique, qui devient avec lui une sorte de laboratoire. Hamasyan étant très porté sur l’improvisation, les pièces d’A Fable se sont métamorphosées avec le temps, et le pianiste ne cesse de trouver de nouvelles avenues mélodiques et harmoniques. "Je trouve ça fascinant, et c’est ce que je souhaitais, avoue-t-il. Tout se fait très rapidement quand on enregistre un album. On n’a même pas encore eu le temps de réfléchir et d’expérimenter comme on le voudrait. En concert, c’est là que les pièces sont mises à l’épreuve et que l’improvisation entre en ligne de compte. Que ce soit en solo ou en trio, on constate que les pièces sont rendues ailleurs."
Même si la thématique de cette dernière création tourne autour d’une sélection de fables arméniennes empruntées à quelques poètes du 12e siècle, le langage musical de Tigran Hamasyan n’impose pas une ligne directrice hermétique ou déterminée. Les mélodies sont savamment écrites, mais elles deviennent rapidement des cellules musicales avec lesquelles l’interprète s’amuse à sa guise. Tous ceux qui ont pu le voir à l’oeuvre savent à quel point il est un brillant technicien. Par contre, le principal intéressé insiste pour dire qu’il ne tient pas seulement à exposer sa virtuosité, mais plutôt à se livrer corps et âme à l’improvisation totale. "Toutes les directions sont possibles, il n’y a pas de limites. On s’en impose quelques-unes, bien sûr, mais le but, c’est d’expérimenter et de faire une recherche de sonorités. Mes racines arméniennes et l’intérêt que j’y porte ont donné une couleur particulière à mon travail. Mais ce vocabulaire musical que j’intègre à mes compositions s’exprime par le jazz. Avec le temps, les styles se sont additionnés et le jazz s’est transformé. Aujourd’hui, un musicien peut choisir parmi une multitude de formes stylistiques. Pour moi, le choix est clair. C’est l’improvisation."