Maybe Watson : Watson et compagnie
Maybe Watson fait son rap sans se soucier des apparences et a trouvé une gang de prédilection pour s’éclater. Le MC nous livre sa philosophie du hip-hop en toute liberté.
Souriant, alerte et volubile, Maybe Watson a une opinion sur à peu près tout et ne se gêne pas pour interpeller son interlocuteur, allant même jusqu’à le corriger si une remarque lui semble ambiguë. "Fais attention, le rap est une sorte de musique et fait partie de la culture hip-hop. Le hip-hop, lui, englobe plusieurs éléments: le rap, le DJing, le grass, le break dance, le beatbox, le streetwear… C’est tout ça. Mais je ne considère pas que le hip-hop est un style musical proprement dit." C’est noté.
Sur ce, comment décrire le rap d’Olivier Guénette, qui s’affiche en marge dans l’industrie avec son alter ego, et qui travaille aussi au sein du collectif Alaclair Ensemble? Le MC indique qu’il ne fait pas la morale avec ses textes et rejette les clichés du rap américain ou français qui, selon lui, ne correspond plus à ce que veut le public québécois en général. "Par exemple, avec Alaclair Ensemble, on appelle ce qu’on fait du post-rigodon. À l’époque, au Québec, les rigodons se jouaient dans les cuisines, en famille. Eh bien nous, aujourd’hui, on travaille en groupe et on invite tout le monde à venir entendre notre rap du Québec en famille. Le rap, ce n’est pas québécois et ça ne le sera jamais. C’est normal d’y ajouter une touche qui soit la nôtre et de s’ouvrir au monde. On n’a rien inventé. On sait qui on est en faisant cette musique, that’s it!"
Et les textes sont révélateurs. Le quotidien de notre coin de pays y passe et Maybe Watson, en solo, use d’une gymnastique littéraire spontanée, parfois en franglais, qui caractérise cette philosophie franche et ouverte. "Je crois que j’écris pour moi avant tout, constate-t-il. Ce n’est pas le résultat d’une grande réflexion. Je m’assois tout simplement et je couche sur papier ce qui me vient à l’esprit. Il y aura bien un thème qui s’imposera [les virées nocturnes inutiles, Tupac Shakur, l’intimidation, le vedettariat], mais jamais je ne vais faire la morale."
Maybe Watson a vite trouvé des frères d’armes à son image. Ses visites répétées au studio de Claude Bégin (Accrophone) sur l’avenue Cartier, à Québec, ont contribué autant à la réalisation de son premier album homonyme qu’aux multiples productions (au nombre de sept) du collectif Alaclair Ensemble. "À cet endroit, on finit toujours par se croiser [Eman, Ogden, KenLo, Mash] et tout se fait très spontanément. Non seulement pour Alaclair, mais pour nos propres projets; on s’entraide les uns les autres. On n’a pas peur d’être transparents et de se concerter sur nos textes. Il y a beaucoup de rappeurs qui ont peur de montrer leur travail et de se laisser influencer. Pour nous, ce n’est pas un problème. C’est un gros melting pot où se succèdent les brainstormings."
Et les contributions se multiplient dans le cas du sympathique MC, qui lancera sous peu un album "remix" réunissant les lectures de Koriass, Mash, Claude Bégin et maints autres de ses propres compositions. Un exercice ouvert, représentatif de cette communauté hip-hop qui en a marre des clichés. "Absolument, mais ce n’est pas une mission. On ne veut pas changer les moeurs du rap. Sauf que si on peut dégourdir certains des "muscles" du "corps" musical – qui manquent parfois de souplesse -, ce sera tant mieux. Nous, on croit avant tout à la liberté d’expression et à la variété des styles. Et le problème au Québec, c’est ça: il n’y a pas assez de variété dans le hip-hop. J’ai l’impression que ce sont toujours les mêmes personnes qui font les mêmes trucs… On est tannés d’entendre ça, c’est redondant! Je ne suis pas surpris du succès que connaît Alaclair Ensemble. C’est rafraîchissant!"
Avec Radio Radio et Random Recipe, Maybe Watson (et Alaclair Ensemble) s’inscrit aussi en marge des courants en vogue caractérisés par les rappeurs et slameurs français (Booba, Grand Corps malade). Sans être une obsession, le métissage musical et la poésie urbaine que nous présente l’artiste soulignent un credo bien particulier. "C’est sûr qu’on veut sortir le rap de sa marginalité. Mais du même coup, on se place en marge du rap! On dirait que plusieurs artistes qui font du rap s’imposent une attitude. Exemple, si tu fais du rap, tu dois faire dans le tragique… De plus en plus, j’ai l’impression que les gens au Québec commencent à être moins intéressés par ça. Alaclair Ensemble et moi, on ne fait pas dans la sauce "rap tragique français" et les plaidoyers sur la misère humaine avec des échantillonnages classiques savonneux. On déteste ça."