Chet Doxas : Take it or leave it
Chet Doxas en a marre des vieux complexes. Il veut que ça brasse. Le saxophoniste nous offre un point de vue rafraîchissant sur le jazz et remet les pendules à l’heure.
"Un groupe rock monte sur scène, joue ses compositions et s’affirme sans compromis. Autrement dit: "Voici nos chansons. Ça vous dérange? Eh bien allez vous faire…" Génial! Les musiciens jazz canadiens devraient avoir la même attitude!" C’est avec cet exemple que le saxophoniste Chet Doxas nous exprime ses inquiétudes concernant la scène jazz au pays. Ayant accompagné Sam Roberts en tournée au cours des six derniers mois, ce polyvalent musicien s’explique mal la timidité de la scène jazz canadienne qui devrait, selon lui, se dégourdir un peu plus.
Amené à visiter New York pour se produire en concert ou pour rencontrer ses musiciens (le guitariste Matt Stevens, le batteur Eric Doob et le contrebassiste Zack Loeber), l’interprète et compositeur montréalais constate qu’il y a un gouffre entre la mentalité américaine et la nôtre. "Lorsque tu te produis à New York, tu peux donner tout ce que tu as, le meilleur de toi. You’re a performer! Tu voudrais faire la même chose ici, mais on va te solliciter pour faire un spectacle concept, quelque chose qui "sort de l’ordinaire", ou encore un hommage à John Coltrane… Ça m’inquiète. Le jazz, c’est fait pour découvrir un interprète et, surtout, pour entendre SA voix. On ne manque pas de talent chez nous, mais il faut l’entendre!"
Pourtant, Doxas s’adonne lui aussi aux hommages sur l’album Big Sky (dont la suite se prépare avec le Chet Doxas Quartet) avec la pièce Unsung, dédiée au clarinettiste Jimmy Giuffre (1921-2008). "C’est une pièce originale qui s’inspire d’une personnalité artistique et qui fait la synthèse d’un style. Elle fait un clin d’oeil à un musicien dont la carrière s’étend sur plus de cinq décennies et qui n’a jamais cessé de se renouveler. Avec cette pièce, on est loin des reprises et des standards. D’ailleurs, en compagnie du trompettiste Dave Douglas, on travaille sur un spectacle [et un disque] en mémoire de Jimmy Giuffre. On va présenter ça cet été."
Habitué aux rencontres inusitées – dont celle avec Joe Grass, Andrew et Brad Barr pour le projet folk-bluegrass Muse Hill (un premier EP sortira au printemps) -, Chet Doxas aimerait bien que les promoteurs de spectacles d’ici mettent la pédale douce sur la nostalgie. "Avec le nouveau projet "Giuffre", je veux montrer que, même si tu habites Montréal, tu peux appeler un musicien de la carrure de Douglas et faire un projet avec lui. La musique, c’est vivant. Et ça n’a pas de frontières."