Yannick Rieu & Spectrum 3 : Uzeb club
Yannick Rieu & Spectrum 3 arrachent la substantifique moelle de la musique d’Uzeb à son lustrage très 80.
"C’est un choix tout à fait conscient, c’est fait exprès", s’enorgueillit l’infatigable tête chercheuse et saxophoniste de légende Yannick Rieu, une banane au visage, quand on lui demande si ce n’est pas un peu casse-cou de rendre hommage à Uzeb sans guitare électrique, instrument pourtant constitutif du mythique trio jazz fusion québécois, dont le son léché-lustré-poli, plus 80 que les années 80, inspire toujours quolibets et railleries à certains intégristes be-bop, mais en renvoie plusieurs, dont Rieu, à leur adolescence. "J’ai un immense respect pour la façon dont ils ont fait leur route. La plupart des grands noms du jazz québécois – Oscar Peterson, Paul Bley ou Maynard Ferguson – se sont exilés pour faire carrière. Uzeb a travaillé ici un son de groupe et à partir de ça, a fait carrière dans le monde. Que t’aimes ou que t’aimes pas, il faut respecter ce courage de monter un son original qui n’existait pas ailleurs. Suffit d’entendre 30 secondes d’Uzeb pour savoir que c’est eux."
Les quelques performances archivées dans YouTube, une fois passée l’hilarité que provoquent des tenues vestimentaires ahurissantes, saisissent; c’est une véritable machine de guerre que menaient Michel "rock star" Cusson (ses solos vrombissent comme une moto chromée), Alain "pape du popping" Caron et Paul "métronome humain" Brochu. Cette virtuosité fougueuse et athlétique aurait-elle fait de l’ombre aux compos du trio? "Quand tu décortiques leur musique comme je l’ai fait, tu découvres des compositions assez complexes sur le plan mélodique, il y a plusieurs trouvailles sur le plan rythmique. Mon but avec Spectrum 3 (Rémi-Jean Leblanc, basse; Samuel Joly, batterie – remplacé exceptionnellement au Centennial par Max Sansalone), ce n’est évidemment pas de copier leur son. J’ai appelé Michel et Alain et je leur ai dit: "Je vais jouer votre musique, mais je vais sûrement réorchestrer, réarranger, improviser, même parfois couper des choses, composer un peu." "Pas de problème", qu’ils m’ont dit."
Par où le néophyte devrait-il amorcer son avancée en territoire uzebesque? "Le premier album, Uzeb – live à Bracknell, c’est le plus frais. Ça ou Uzeb World Tour 90; tiré de la dernière tournée qu’ils ont faite."