Avidità : Je veux tout
L’Atelier d’opéra de l’École de musique de l’Université de Sherbrooke réunit Offenbach et Puccini sous le signe de l’Avidità. Voir a assisté aux répétitions.
Le soleil se couche sur la Reine quand je m’insinue par l’entrée des artistes dans un Vieux Clocher de l’Université de Sherbrooke presque désert. Sur scène, deux jeunes chanteuses lyriques, en jeans et chandail simples, poussent la note en gardant les yeux bien fermés. Elles sont les deux aveugles, de l’opérette de Jacques Offenbach du même nom.
Dans la salle, Normand Chouinard, totalement transporté, bat la mesure du bout du nez, quand il ne fouille pas frénétiquement dans un cartable posé sur la table devant lui. Le metteur en scène saute parfois sur ses pieds, fait quelques pas vers la gauche, quelques pas vers la droite, fronce les sourcils, considère un détail, puis se rassoit et recommence aussitôt à battre la mesure du bout du nez.
Disséminés partout autour de lui comme des estropiés au champ de bataille, les étudiants de l’Atelier d’opéra de l’École de musique de l’UdeS rechargent leurs batteries chacun à leur manière. Juste à côté de la machine à café, un apprenti Marc Hervieux moustachu, affalé sur quatre ou cinq chaises en bois posées les unes à côté des autres, dort à poings fermés. Un peu plus loin, une soprano en pantalon de coton ouaté, que l’on devine radieuse sous ses cernes, dévore sans discontinuer le contenu d’un plat Tupperware.
"Ils travaillent très, très, très fort", confirme la directrice de l’École, Anick Lessard, le regard plein de tendresse maternelle, en faisant défiler sur son iPad des photos prises lors d’une répétition costumée afin de nous donner une meilleure idée du glamour que revêtira la scène le soir de la première du diptyque Avidità – un opéra en un acte de Puccini, Gianni Schicchi, suit la "bouffonnerie musicale" d’Offenbach. C’est à la directrice et à Chouinard que l’on doit cette idée de présenter des spectacles lyriques à Sherbrooke, rare occasion pour le mélomane estrien d’entendre de l’opéra dans sa cour et tout aussi rare occasion pour les futurs diplômés de se colleter aux exigences d’une discipline éreintante.
"Pour trancher avec le thème bonbon du Cendrillon de Massenet que nous avons monté l’an dernier, nous abordons un thème plus tordu, plus noir. Ce dont parlent les deux oeuvres qui forment Avidità , c’est de l’émotion que suscite l’argent, de ce désir de se l’approprier à tout prix", explique Mme Lessard.
Pendant ce temps, notre chanteur-dormeur se réveille d’un bond, comme un mort-vivant dans un film d’horreur, se rince les yeux avec de la solution oculaire et marche vers la scène. Au son du piano, il fait son entrée côté jardin. Ses gestes sont amples, ses envolées vocales, en italien dans le texte, décoiffent. Notre luncheuse fait aussi retentir sa voix, et bien qu’elle porte toujours le même pantalon de coton ouaté, je n’ai plus à fournir d’efforts pour la trouver radieuse.