Blind Witness : Entendu au Bar Le Magog
Musique

Blind Witness : Entendu au Bar Le Magog

Force était de constater, vendredi, dans un Bar Le Magog bondé (bravo au vétéran organisateur Dany Lévesque), que Blind Witness, originaire de Granby, a survécu haut la main à la saignée qui l’a mis au tapis en 2011 (plusieurs membres l’ont quitté). Et que les reproches assénés par les fondamentalistes métal – prévisibilité, esbroufe, primauté de l’apparence – au metalcore passent cent pieds par-dessus la tête des nombreux disciples sherbrookois (dont plusieurs filles) du sous-genre.

Brutaux et hargneux, les raids sinueux de Blind Witness, qui multiplie les 180° rythmiques, préludes à de cinglants "breakdowns" (des salves soniques caractéristiques du metalcore), semblent avoir été taillés sur mesure pour la génération déficit d’attention. Les poulains de l’étiquette californienne Mediaskare, qui ont parcouru les États-Unis et l’Europe, neutralisent toute velléité de distraction en mitraillant le spectateur de stimuli. Impossible de fermer le mâche-patate, paralysé en position bouche bée.

Gros bémol: les paroles de Jonathan Cabana, qu’il nous a lui-même sommés de lire en rentrant à la maison (il est impossible autrement de distinguer quelque mot que ce soit dans ce long cri désenchanté) me rendent profondément mal à l’aise. D’une rare hostilité, cette poésie nihiliste de la chair triste et de la vengeance, porteuse d’un contrepoint curieusement judéo-chrétien, banalise la violence faite aux femmes. Je veux bien reconnaître à l’agressivité, lorsque sublimée par une oeuvre, des propriétés cathartiques. Mais pas au point d’avaler sans broncher des textes aussi explicitement cauchemardesques.