Half Moon Run : Lunatiques en quête
Half Moon Run s’ajoute à la liste des incontournables de la scène indie montréalaise, aux côtés des Patrick Watson et Barr Brothers. Le trio a passé haut la main le test du premier album et poursuit l’aventure sur la route.
À la première écoute de l’album Dark Eyes, on ne peut être que séduit par la musique de Half Moon Run. Plus encore, ce nom de groupe intrigue. Lorsqu’on interroge le pianiste et percussionniste Dylan Phillips sur ce choix, le mystère reste entier. "C’était l’idée d’un musicien qui n’est plus dans le groupe. Half Moon Run représentait quelque chose de personnel pour lui, mais la signification de ce nom ou de cette expression a changé maintenant. Nous nous sentons un peu mal à l’aise d’en parler… Si c’est OK pour toi, je préfère que les gens se fassent leur propre idée sur le nom du groupe."
Le trio anglophone fondé à Montréal n’a pas peur des expérimentations et nous offre sur ce premier disque un répertoire musical diversifié qui intègre des éléments de folk et des échantillonnages subtilement amalgamés. Avec la voix de Devon Portielje (aussi guitariste et claviériste) en prime, le groupe, complété par Conner Molander (guitariste et multi-instrumentiste), évoque parfois le Radiohead de Kid A et gravite dans la stratosphère musicale de Patrick Watson et des Barr Brothers. "On n’a pas eu le temps de fréquenter beaucoup de musiciens à Montréal. On a été pas mal casaniers et dans notre bulle ces dernières années. Par contre, on connaît les Barr Brothers, et je dois t’avouer qu’on est de grands admirateurs. On les a rencontrés dernièrement à Austin, lors du festival South by Southwest. On a eu un plaisir fou là-bas!"
Au terme de quelques sessions intensives en studio, Half Moon Run a réussi à réinventer le répertoire qu’il s’appliquait à roder sur la route depuis déjà quelques années. Assumant la réalisation de Dark Eyes, les musiciens ont non seulement appris sur le tas, mais ils ont aussi concocté un véritable laboratoire autour d’eux. "Chacun d’entre nous provient d’un milieu musical différent. La direction artistique du groupe prend des virages assez éclectiques. Devon est passionné de musique folk; les harmonies vocales reflètent bien cette facette de sa personnalité. Pour ma part, j’ai étudié le piano pendant plusieurs années et la musique classique était ma principale activité. Schubert, Rachmaninov, Mozart, Beethoven: ce sont encore de grandes influences pour moi. Conner est très porté sur le blues… Lorsqu’on est ensemble, tout se bouscule et il en sort quelque chose d’inattendu. Pour les arrangements, avec tous ces détails parfois minimalistes qui se greffent aux compositions, c’est très spontané et instinctif. Prendre des décisions à trois en studio, c’est difficile, mais on s’en est sortis!"
Le caractère mélodique est très puissant au fil des compositions (Need it, She Wants to Know) et l’instrumentation diverge des standards rencontrés sur la scène indie. Le jeu au piano de Dylan contribue aussi à faire de cette fresque musicale intense une expérience rythmique singulière. "On touche un peu à tous les instruments. On n’a pas de batteur dans le groupe. Lorsque je me retrouve aux percussions, ou lorsque les échantillonnages entrent en ligne de compte, je vois ça comme une matière musicale qui doit se fusionner à l’ensemble. Et tout ça se réinvente sur scène."