Mononc' Serge : Docteur Robert et Mister Serge
Musique

Mononc’ Serge : Docteur Robert et Mister Serge

Il est l’exemple parfait qui prouve qu’on peut réussir en contournant toutes les règles établies du showbiz, tout en demeurant un artiste indépendant. Mesdames et messieurs, voici le seul et unique Mononc’ Serge.

C’est un classique. À chaque nouvel album que Mononc’ Serge nous présente, on se dit qu’il a déjà atteint les limites ultimes de l’immoralité. Et pourtant, il repousse à tout coup les frontières du destroy. Sa toute dernière galette, intitulée Ça c’est d’la femme, continue sur cette lancée spectaculaire dans l’univers des chansons qui frappent directement là où ça fait mal. Très mal, même. "Mon objectif initial était de faire un album avec rien que des tounes dont la musique allait être écrite par Peter Paul, de raconter Mononc’ Serge. C’est presque ça le résultat final. Avant ça, dans tout mon répertoire, il n’y avait que deux chansons dont la musique avait été écrite par quelqu’un d’autre. Ça a été un exercice très différent, et honnêtement, très difficile. J’écoutais la musique et je me questionnais à savoir quoi chanter par-dessus ça. Je devais trouver des textes le fun qui, en plus, allaient coïncider avec l’intention de la musique. Je voulais casser ma routine et arriver à des résultats différents."

De cet exercice de style aura résulté un album complètement trash où personne n’a été épargné. Qu’il s’agisse des musiciens qui y sont décrits comme des espèces de bibittes "intuables" ou de la faune parfois déstabilisante du quartier populaire Hochelaga-Maisonneuve, Mononc’ Serge se montre impitoyable. Même les artistes qui s’associent à des bonnes causes passent à tabac dans la très "sex-pistolienne" Chanteur engagé. "Chaque fois qu’on fait des trucs pour une bonne cause, à quelque part, on le fait pour nous autres aussi. Moi-même je me faisais souvent engager pour des trucs comme ça, mais depuis que je fais de la musique plus heavy, le téléphone sonne beaucoup moins pour les bonnes causes. Quand on m’appelait, j’acceptais toujours d’emblée. On me disait "spectacle-environnement-bénéfice" et je répondais oui. Dans le fond, ça me donnait de la visibilité, ça me permettait de sortir de chez nous, de me faire voir, de boire de la bière, de rencontrer des filles, bref, n’importe quoi y compris l’appui à la cause. Mais ma motivation profonde, c’était ma propre cause. Donc, chaque fois que je vois des artistes qui soutiennent une cause, je le sais qu’ils le font aussi pour eux-mêmes, et surtout pour eux-mêmes."

Les mauvaises langues pourraient le qualifier de pisse-vinaigre, mais quand le chanteur à la voix de casserole dépeint ces tabous de l’industrie du spectacle, c’est avec amusement et bonne humeur. C’est justement sur ce ton qu’il poursuit à propos des artistes philanthropes: "En même temps, il faut regarder ce que ça apporte à la cause, au bout du compte. Si Bono appuie la cause des enfants qui meurent de faim en Afrique, autant il peut être chiant avec ses grosses lunettes fumées et que tout en lui respire le jet-set, si sa collaboration apporte du bien à tous ces gens-là, qu’est-ce que tu as à dire? On a le droit de se demander si c’est justifié qu’on chiale, mais moi, je chiale pareil."

À contre-courant de la feuille de route traditionnelle d’un artiste s’adoucissant avec les années, Mononc’ Serge n’hésite pas à souiller sa sonorité ainsi que la facture visuelle de ses albums. Son dernier clip Signe s’es boules en fait foi. "Il y a une certaine part d’immoralité dans ce que je fais. Je dis des affaires qui n’ont pas d’allure dans mes tounes pis j’exagère, je me roule dans la bouette et j’y prends plaisir. Elles sont faites pour ça, mes tounes. C’est une espèce de récréation de la vie."

Peut-on déduire que tout est une question de deuxième degré avec Mononc’ Serge? Ou a-t-on plutôt droit à un fascinant phénomène de dédoublement de la personnalité? Parlons plutôt d’une catharsis qui permet au Mononc’ de mener une vie équilibrée en tant que Serge Robert. "Dans mes chansons, je prends souvent des positions qui ne sont pas les miennes et que je ne voudrais même pas défendre dans la vraie vie. Je ne sais pas pourquoi ça m’amuse de faire ça, mais c’est un moteur qui me permet d’écrire. Ça fait sortir le méchant, le refoulé et le sexuel qui sont toujours étouffés en dedans de nous autres. Enfin, c’est sûr que lorsque c’est comprimé, ça a plus tendance à sortir en giclées qu’à couler doucement."