Ute Lemper : Der Wanderer
Musique

Ute Lemper : Der Wanderer

Ute Lemper est aventureuse et explore sans cesse. Cette fois-ci, elle nous offre une synthèse musicale éclectique et une lecture personnelle du 20e siècle.

La carrière de l’interprète Ute Lemper est riche de rebondissements, et ses goûts artistiques l’ont amenée à se renouveler et à emprunter des trajectoires parfois risquées. D’abord associée au compositeur Kurt Weill et à la musique allemande de cabaret, l’artiste a fréquenté le musical, et Broadway lui a ensuite ouvert toutes grandes ses portes. Pas surprenant de retrouver cette polyvalente artiste (chanteuse, danseuse et comédienne) à New York, où elle a élu domicile depuis plusieurs années.

"J’ai travaillé et vécu à Londres, à Paris et bien sûr à Berlin, nous explique-t-elle dans un excellent français. Je préfère New York. C’est une ville progressiste, c’est cosmopolite et on y sent une forme de liberté. J’y mène une vie résidentielle fort simple et je ne sens pas la pression ou la compétition. Je fais les choses à mon rythme et j’y élève mes enfants. J’aimerais garder un pied-à-terre en Europe, mais pour l’instant, c’est impossible. Alors c’est les tournées et les avions! Je suis New-Yorkaise, mais je reste Allemande et Européenne aussi."

Son dernier récital, intitulé Paris Days, Berlin Nights (offert sur disque), est à l’image de cette aventureuse. La voix est toujours au service d’une démarche théâtrale et poétique pointue, et l’interprète se transforme au gré d’un récit minutieusement planifié. Ici, c’est une histoire qui se décline en chansons. "J’aime imaginer la vie d’un personnage à travers ces chansons. C’est une expérience unique, je n’ai jamais gravité dans un répertoire aussi vaste. C’est un voyage à travers le siècle dernier, de la République de Weimar à l’Argentine de Piazzolla [Yo soy Maria de l’opéra Maria de Buenos Aires], avec le Paris de Piaf et Brel. J’y aborde le répertoire traditionnel juif [Hanns Eisler, Chava Alberstein] et je porte aussi un regard sur la musique de cabaret en exil des années 30. Avec le Quatuor Volger et le pianiste Stefan Malzew [aussi accordéoniste et clarinettiste], tout est en finesse, c’est très raffiné."

Une forme de quête esthétique, qu’elle avait déjà illustrée avec quelques productions audacieuses, dont ce spectacle, l’année dernière, qui était construit autour de l’oeuvre de l’auteur Charles Bukowski. "Je recherche cette liberté de penser qui est caractéristique de l’esprit allemand, celui des cabarets et de Weimar. Des auteurs comme Tom Waits et Charles Bukowski, tous deux très transparents. Bukowski est terrible! Sa poésie est crue et réaliste. J’ai mis de côté la dimension sexiste du personnage pour me concentrer sur sa poésie humaine. Celle qui s’interroge sur le social, le politique. Celle qui aborde sa jeunesse, très difficile, et ses poèmes d’amour. Je compte bien reprendre ce récital dans un futur proche."

On dirait bien qu’Ute Lemper a tiré un trait sur Broadway. "J’ai travaillé à Broadway une année entière, ça me suffit. J’y vais à l’occasion, avec mes enfants. Je trouve plutôt mon plaisir dans les petites boîtes de jazz et d’autres destinations plus avant-gardistes et axées sur la musique, même classique et contemporaine. On y fait des rencontres surprenantes!"