Sainte Catherines : Les Sainte Catherines vus de l’intérieur
L’épopée Sainte Catherines tire à sa fin. Formé en 1999, le groupe punk montréalais donnera son dernier concert le 27 avril. En quatre actes, les membres vous racontent leur histoire.
La naissance
"J’ai toujours eu cette manie. Si je tripe sur quelque chose, je le fais. Obsédé par Ron Hextall, je me suis mis à "goaler" dans des ligues de hockey mineur. J’étais bon, mais j’ai découvert le punk, et j’étais un peu trop fuck off pour porter le veston dans un autobus." – Hugo Mudie
"J’avais accepté de joindre le premier groupe ska-punk d’Hugo, Les Sarkastix, à condition d’y jouer de la batterie. En fait, j’étais guitariste et je ne tripais pas trop sur Hugo, mais l’idée d’apprendre la batterie me plaisait." – Fred Jacques
"J’ai dit à Hugo que c’était poche, Les Sarkastix, lors d’un mardi ska aux Foufounes électriques. Je lui ai parlé de fonder un nouveau groupe ensemble dans lequel je jouerais de la guitare. Un truc plus près de The Broadways et Fifteen." – Fred Jacques
"Puisque nous avions des bourreaux de tournée comme modèles (Avail, Hot Water Music), j’ai vite appris à "booker" nos propres tournées américaines. J’étais abonné au fanzine Book Your Own Fucking Life, qui donnait des trucs et des listes de contacts. Je m’étais même trouvé un numéro de l’armée pour faire tous nos interurbains. J’avais juste à composer un code, et l’appel était facturé aux Forces canadiennes." – Hugo Mudie
"Au début des Sainte Catherines, il y avait beaucoup d’égocentrisme dans mon attitude. J’ai ensuite réalisé tout le pouvoir du punk. Lorsqu’un gars vient te voir après un show pour te dire qu’il a oublié ses problèmes pendant deux heures, ça fait chaud au coeur. Jusqu’à la fin, c’est devenu ma motivation: jouer pour ces fans dans lesquels je me reconnaissais ado, alors que j’étais mal dans ma peau et que la musique m’a sauvé." – Hugo Mudie
La parution de The Art of Arrogance (2003)
"Après nos deux premiers disques (Those Stars Are for You et The Machine Gets Under Way), l’arrivée dans le groupe de Marc-André Beaudet et Louis Valiquette (deux guitaristes) nous a amenés à peaufiner nos arrangements sur Art of Arrogance. J’étais encore influencé par le post-rock de Godspeed You! Black Emperor et Mogwai, mais le désir d’être plus énergique et agressif était très présent. Nous commencions à triper pas mal sur No Idea Records et Small Brown Bike." – Fred Jacques
"The Art of Arrogance, c’est pour nous la naissance d’une communauté articulée autour du groupe, de Suck la marde, de l’étiquette Dare to Care, du disquaire Soundcentral et de la salle de concert L’X. Nous resterons toujours nostalgiques de cette période. Nous avions 22 ans et tout un chapitre de la scène punk locale à écrire." – Hugo Mudie
"Nous pouvions donner 200 concerts par année même si les tournées n’allaient pas très bien. Sauf en Europe, où nous pognions parfois plus qu’à Montréal, nous perdions de l’argent. Aux États-Unis, nous volions dans les épiceries pour nous nourrir. Je me suis même fait pogner à New York. J’ai réussi à convaincre le gardien de sécurité de ne pas appeler la police. Il m’a obligé à payer la bouffe qu’il a quand même conservée." -Marc-André Beaudet
Les années Fat Wreck Chords (2006-2009)
"Malgré tout, nous conservons des souvenirs incroyables en tournée, dont la fois où nous avons rencontré Lawrence Arms dans un sous-sol crade de Milwaukee. C’est un peu de leur faute si nous avons signé sur Fat. Comme plusieurs autres groupes, ils parlaient de nous à Fat Mike (fondateur de l’étiquette californienne)." – Hugo Mudie
"Grâce à Fat, notre album Dancing for Decadence s’est vendu à plus de 20 000 exemplaires. Nous avons reçu des offres de festivals hallucinantes et l’attention médiatique a explosé au Québec. C’est là que nous avons vécu la vie de rockstar: drogue, filles, alcool." – Hugo Mudie
"Mais pour que les Sainte Catherines puissent bénéficier pleinement de la période Fat, il aurait fallu qu’elle arrive deux ans plus tôt. En 2006, nous commencions à être essoufflés. Le contrat avec Fat a surtout prolongé la vie du groupe. À la fin de notre association avec le label, nous avons refusé des tournées lucratives. La motivation commençait à manquer." – Fred Jacques
"Nous conservons une très bonne relation avec Fat Mike. Nous lui avions envoyé les démos de l’album Fire Works, mais il n’aimait pas le style. Il aurait lancé notre disque si nous avions produit un autre Dancing for Decadence, mais il n’en était pas question." – Hugo Mudie
La fin
"Nous savions dès la composition de Fire Works que le disque marquerait la fin des Sainte Catherines. La décision s’est prise dans la van après un concert à Longueuil. Nous devions repartir en Europe, mais ça ne nous tentait pas. Nous avons décidé d’annuler la tournée et d’entrer en studio pour produire ce qui serait notre dernier disque." – Marc-André Beaudet
"Nous n’avons pas parlé de la fin du groupe au moment de la parution de Fire Works par respect pour nos étiquettes de disques (Stomp et Anchorless). Nous voulions aussi donner une véritable vie à l’album. Comme nous étions conscients que la fin approchait, nous avons pleinement profité des deux dernières années." – Hugo Mudie
"C’est dur de se sortir du punk. Quand j’ai eu mon enfant, je me suis dit: "OK, le punk, c’est fini. Je veux une meilleure job, une vie plus saine, arrêter de faire des shows." Impossible. Je déprime toujours et j’ai juste envie de remonter sur scène. Vous allez tous nous revoir dans différents projets sous peu." – Fred Jacques
"Plus jeune, mon réflexe était d’envoyer chier tout le monde. Le punk, c’était fuck this, fuck that. Treize ans plus tard, j’ai appris à vivre une vie plus paisible et moins stressante. Il y a moyen de prendre le meilleur du punk pour l’appliquer à sa vie "normale", certaines valeurs surtout. Mon conseil à un jeune punk est simple: ne laisse pas tes parents ou la société te dire qui être, mais ne laisse pas non plus la scène punk te dicter ses règles." – Hugo Mudie