Xiu Xiu : Mouvement perpétuel
James Stewart guide Xiu Xiu à l’aveuglette sans trop s’en faire avec les diktats de ses contemporains. Cette expérience musicale collective continue de se remettre en question au gré de son instinct.
L’entrevue débute avec une séance d’essais aux synthétiseurs en compagnie de James Stewart, le combiné téléphonique en main, qui donne quelques conseils à sa collègue Angela Seo. On entend les choix de sons suggérés par l’artiste au fur et à mesure que les commentaires du meneur de Xiu Xiu se précisent. Le groupe se prépare pour sa tournée américaine et ces quelques instants de répétition saisis à la volée nous dévoilent le laboratoire permanent dans lequel travaille la formation californienne. "On est en pleine pratique dans notre local en ce moment. On tente de régler quelques petits détails de dernière minute. Rien de bien compliqué, on revient tout juste d’Europe où l’on a fait une petite tournée. Je crois que tout sera bon pour la suite." Un work in progress en mouvement perpétuel.
Avec Always, qui fait suite au controversé album Dear God, I Hate Myself, le groupe semble emprunter une nouvelle voie, mais propose un recueil tout aussi cathartique et transparent. Avec Xiu Xiu, la musique devient le vecteur d’une chirurgie à coeur ouvert où les sentiments sont scrutés à la loupe, bousculés et exposés de manière viscérale. Parfois, l’exercice passe bien auprès de la critique, qui reste à l’affut des projets éclectiques de la formation, d’autres fois, on se demande bien ce qui se passe dans la tête de Stewart. "Je suis très content d’Always et je sais que la réception en concert est bonne. Par contre, en ce qui concerne les critiques ou les articles parus sur le groupe, je ne les lis pas. Jamais. Je crois que ça me rendrait fou!"
Tout sourire, l’artiste désamorce le caractère troublant de sa création en résumant l’exercice comme le fruit d’une collaboration ouverte et balisée. Avec des thèmes comme l’avortement (la très synthpop I Luv Abortion, qui rappelle Handsome Furs) et la condition féminine en Chine (prenante Factory Girl), nul doute que Stewart aime les sujets denses. Sa voix incarne le tout avec un ton parfois onirique qui frôle la démence. Ses acolytes, tel le bassiste et compositeur Devin Hoff (Nels Cline et Steven Bernstein), participent à cette conception musicale caricaturée comme tant d’autres invités-surprises. "Avec Devin, tout est facile. C’est peut-être le meilleur collaborateur pour comprendre comment je travaille. Avec lui, je suis déstabilisé lorsque je compose, car je laisse la porte grande ouverte à des suggestions qui peuvent être contradictoires et que j’intègre malgré tout. Beaucoup de monde circule autour de ce groupe! Il est même difficile pour moi de m’y retrouver!"
Stewart aime bien le statut underground qui colle encore à la formation, malgré un parcours qui cumule déjà 10 albums depuis le début des années 2000. Avec ce groupe, tout est permis. "Ça ne changera pas, et je n’ai pas en tête d’asseoir un concept musical précis. Lorsque Xiu Xiu sort un album, il faut prendre ça comme un cliché qui représente une période définie. Une expérience. Un jour, je me laisse influencer par l’électronique à la GameBoy et je tente de transformer cette matière, un autre, je me plonge dans le rock presque grindcore et je compose avec ça. Un fil conducteur doit se tisser à travers toutes nos productions, sans doute, mais je n’ose pas y penser."