Jacques Leblanc / Falstaff : La démesure à l’opéra
Le metteur en scène Jacques Leblanc s’attaque à un poids lourd de l’opéra: Falstaff. Un chef-d’oeuvre gigantesque dont l’action musicale est à couper le souffle. Shakespeare et Verdi se rencontrent au sommet.
Le dernier opéra de Verdi est plus grand que nature. Non seulement le compositeur italien a signé, avec Falstaff, un testament musical unique où il confirme son génie et impose une production lyrique moderne qui rejoint le concept de l’oeuvre totale, mais le personnage central est lui aussi énorme et imposant. Ce type de personnage qu’on aime tant détester.
L’Opéra de Québec a trouvé avec le baryton Gaétan Laperrière un interprète de prédilection pour ce rôle exigeant. La présence du baryton Jean-François Lapointe (Ford), des sopranos Lyne Fortin (Alice) et Marie-Josée Lord (Meg), et de la mezzo-soprano Sonia Racine (Dame Quickly) ne fait que rehausser cette distribution. Tous les personnages revêtent un caractère particulier et essentiel à l’action de cette comédie lyrique adaptée des Joyeuses commères de Windsor de Shakespeare. "Cet opéra se distingue des autres productions de Verdi, car il est bâti de manière assez unique. Il n’y a pas beaucoup de solos, on y trouve surtout des ensembles vocaux. Il y a très peu d’arrêts pour chanter un air isolé. L’action dramatique est en perpétuel mouvement, ça bouge et ça s’enchaîne constamment. Falstaff, c’est un feu roulant", résume le metteur en scène Jacques Leblanc, qui avait lui-même joué le personnage de Bardolph au théâtre il y a plusieurs années.
Cette intrigue de séduction au caractère humoristique et mélodramatique prend son envol avec un plan qu’échafaude Falstaff avec l’aide de ses acolytes arnaqueurs (Bardolph et Pistol) pour séduire Alice Ford et Meg Page de façon malhonnête. Le plan s’ébruite et Falstaff subit alors sa propre médecine, devenant la risée de tous. "La mise en scène que j’ai élaborée est très vive. J’en ai fait une comédie où chacun des chanteurs peut s’éclater, tout en considérant que leur jeu requiert une très grande précision. Il y a du monde sur la scène et chaque chanteur se retrouve avec une partition indépendante. Parfois, on entend le phénomène des "commères", où toutes les femmes chantent à la première personne et à l’unisson! Il y a beaucoup de déplacements, et à travers ces ensembles que l’on trouve sur scène, il faut que le spectateur puisse repérer l’action au bon moment."
Pas de doute, le compositeur italien a réussi à se démarquer avec ses adaptations opératiques de Shakespeare (Macbeth, Othello et Falstaff, à titre d’exemple), une matière théâtrale qu’il a su manipuler avec soin et intelligence. "Verdi était exceptionnel et brillant. Il savait choisir de bonnes histoires: celles qui peuvent émouvoir le public. Avec Shakespeare, il a misé juste, ça marche tout le temps! Chez Shakespeare, on trouve bien sûr de la tragédie, même dans une comédie comme Falstaff. Lorsqu’on entend Ford interpréter son air de la jalousie, c’est d’un grand tragique. Cet opéra, c’est du drame, du mélodrame, de la comédie et de la farce; c’est tout de même incroyable! Lorsqu’un compositeur comme Verdi, lui-même une grande vedette à son époque, touche à ces oeuvres, c’est le succès garanti."