The Sadies : Fraternité alt-country
The Sadies viennent à Sherbrooke défendre leur titre de meilleur groupe live canadien. Leur poésie est noire, mais leur dessein est de nous faire danser.
Au fil de nombreuses et éreintantes tournées, il arrive que des musiciens développent entre eux des liens qui s’apparentent à ceux du sang. C’est le cas pour The Sadies, l’un des groupes phares de la scène canadienne, reconnu pour ses concerts endiablés lors desquels il déploie son art qui surpasse les normes iso de l’alt-country. La mouture est surf, psychédélique, terriblement entraînante.
Pour le batteur Mike Belitsky, sa famille musicale (qui compte les frères guitaristes Dallas et Travis Good, et le bassiste Sean Dean) est dysfonctionnelle, mais aimante. "L’analogie est bonne. Tu sais, je passe plus de temps avec les gars qu’avec n’importe qui d’autre. Même lors des longues tournées, on demeure ensemble. On dort dans les mêmes hôtels, on déjeune aux mêmes endroits…" énumère-t-il, faisant entre autres référence à leur plus récente tournée européenne.
Les beautés de Paris ou de Londres ne sont certainement pas négligeables, mais Belitsky est davantage porté à retenir les performances musicales de son clan. "Ce n’est pas quelque chose dont on discute dans le groupe, mais pour moi, monter sur scène est une dépendance. Comme pour ces athlètes qui deviennent accros à leur sport, à l’adrénaline. Lors des tournées, il y a tellement de temps à tuer. Quand le show commence enfin, c’est toujours le meilleur moment de la journée."
"Lorsque j’étais jeune, jouer de la musique était une façon de pouvoir voyager, se remémore-t-il. Mais quelque chose a changé en chemin. Aujourd’hui, le voyage est devenu une façon de pouvoir faire ce métier sur le plus grand nombre de scènes possible. La musique est devenue le moteur. Mais reste que c’est toujours plaisant de jouer sur un autre continent!"
Et le passeport canadien s’avère encore une carte atout dans l’industrie de la musique. "Je sais que plusieurs personnes jugent les bands selon leur provenance. Le Canada compte plusieurs groupes et artistes très populaires, et cela n’a rien de nouveau. Je pense à Neil Young, The Guess Who, Joni Mitchell, Sloan, The Tragically Hip… Et aujourd’hui, Arcade Fire est l’un des plus gros bands au monde. Si la musique est bonne, la planète devient bien petite. Pour ma part, je n’ai jamais vu les frontières comme quelque chose d’intimidant."
VOIR AILLEURS, MAIS ENSEMBLE
Cette capacité à vivre dans ses valises (et à ne pas s’entretuer dans une van de tournée) a permis aux Sadies de perdurer, et ce, depuis 1998. Mike Belitsky se dit parfois étonné d’avoir défié le temps de la sorte, mais apprécie le chemin parcouru. "On a beaucoup changé musicalement. À nos débuts, on enregistrait rapidement, sans trop se soucier du résultat. À la longue, on est devenus hyper conscients de l’énergie qu’il fallait mettre dans notre musique afin d’en être fiers, et pour que les gens s’y intéressent vraiment."
Derrière l’évolution des Sadies, on trouve également leurs nombreuses collaborations (notamment avec Neko Case, Jon Langford et John Doe). D’ailleurs, il est intéressant de constater que le groupe, même dans ses projets parallèles, demeure soudé. Ainsi, The Sadies délaissent parfois leur son, mais les musiciens conservent leur complicité. "Quand on crée pour d’autres projets, la communication est excellente entre nous quatre. On en profite. Ça nous permet d’expérimenter d’une façon qui n’aurait pas été possible avec The Sadies, et on le fait tous ensemble, tel un vieux couple qui fréquente d’autres personnes, mais qui demeure fidèle. (Rires.)"
Leur dernière fréquentation est nul autre qu’Andre Williams, figure légendaire du soul, pour l’album Night & Day. En fait, il s’agit d’une vieille histoire qui refait surface. "C’est notre deuxième disque avec lui et on a fait plusieurs tournées ensemble. J’aime le gars. On ne s’ennuie jamais avec lui. Tout ce qu’il dit est drôle, intelligent ou ridicule."
Mais ce que chantent les Sadies est davantage porté vers le côté sombre. "C’est vrai que les paroles de nos chansons me rendent parfois triste", laisse échapper Belitsky. Par sa poésie enténébrée, peut-on dire que le groupe compose des chansons entraînantes pour gens tristes? "Je ne sais pas. C’est vrai que les gens sont portés à passer du bon temps lors des concerts. Peut-être qu’ils sont tristes. Ou peut-être que les chansons sont tristes, mais que les gens dansent parce qu’ils réalisent à quel point ils vont bien, que leur vie est normale. (Rires.)"