Nicolas Jaar : L'étranger
Musique

Nicolas Jaar : L’étranger

Nicolas Jaar, tête d’affiche de MUTEK, part à la conquête de l’espace avec son électro-pop atypique.

En musique électronique, 2011 a sans conteste été l’année de Nicolas Jaar, drôle de bibitte apatride partagée entre sa citoyenneté américaine et ses origines chiliennes (par son père, l’artiste performeur Alfredo Jaar) et françaises (par sa mère).

Space Is Only Noise, son premier album lancé au tout début de 2011, a cheminé côte à côte avec celui de James Blake: parutions quasi simultanées, même jeune âge du créateur (Jaar a 22 ans, Blake, 24), même performance sur les palmarès de fin d’année (au top), croisements similaires de sensibilité soul lascive et d’exploration électro… Mais là où Blake s’inscrivait dans une mouvance post-dubstep bien britannique, nourrie par des années de clubbing, Jaar agit en étranger face à la culture électro, ce qui résulte en un fascinant brouillage des pistes.

Élevé sur fond d’Erik Satie, de jazz éthiopien et de musique avant-gardiste, Jaar est en effet arrivé purement accidentellement à l’électro, soit comme moyen détourné d’ajouter du rythme à ses compositions au piano. "Je n’ai jamais vraiment fréquenté les clubs avant de faire cette musique", raconte-t-il depuis son domicile new-yorkais. Même si le français est mis de l’avant sur son album, il préfère s’exprimer en anglais. "Avant d’envoyer ma musique à Wolf + Lamb (duo brooklynois qui a lancé les premières pièces de l’artiste sous son label), j’ignorais même que je faisais de la musique de club. De plus en plus, toutefois, j’apprécie ces lieux et y passe même parfois du très bon temps, selon qui y joue."

Les racines jazz et classique contemporain de Jaar sont difficiles à déceler dans l’alliage vaporeux de Space Is Only Noise. Le principal intéressé croit qu’il est vain de vouloir tracer un lien. "Je n’ai aucun désir de manipuler ce que je fais. C’est un peu plus naturel que ça. J’entre en studio, je joue et c’est ce qui sort", souligne-t-il, contestant du même souffle le qualificatif "minimaliste" souvent apposé à sa musique. "Le bruit n’arrête jamais! C’est rempli de petits sons, d’émotions, de mots, de paysages sonores…"

Depuis la sortie de son album, Jaar se consacre entre autres choses à son label Clown and Sunset, dont l’une des plus récentes parutions est un prisme en aluminium renfermant une compilation des poulains de l’écurie; mais aussi à la performance live en compagnie d’un guitariste, d’un saxophoniste et d’un batteur qui rejoindront Jaar pour sa prestation à MUTEK vendredi soir. "Les collaborations live sont en train d’influencer mon travail de deux façons, note Jaar. La première est que mon guitariste et moi avons formellement lancé le projet Darkside, avec lequel nous faisons une musique très différente. Puis, je réalise à quel point la musique est une expérience sociale et émotive. Ces composantes sont dans la musique elle-même, mais ça affecte aussi nos relations avec les gens. Ça m’a fait réaliser à quel point une large partie de tout ça tient strictement de la chance."