Francis Faubert : Les 365 jours de Faubert
La dernière année n’a certainement pas été de tout repos pour Francis Faubert, récemment nommé pour le prix Félix-Leclerc et finaliste des Francouvertes 2012. Voir l’a convié, devant une pinte de rousse, à faire le point sur ces derniers temps de tumulte.
Ce soir-là, Francis Faubert s’est pointé sur la scène qui habillait la radieuse terrasse du célébrissime 4 Jeudis avec la même dégaine débonnaire qu’il a affichée au fil des 12 derniers mois, alors qu’il faisait connaissance avec son public outaouais: guitare à la main, une sempiternelle chemise à carreaux recouvrant ses épaules, un sourire timide plaqué sur son visage effilé. Ce soir-là, Faubert a interprété une poignée de chansons, question de sustenter mélodiquement, avec ses airs de fringant mal rasé, les dizaines de convives rassemblés en cette soirée de doux printemps. C’était la conférence de presse annonçant une nouvelle édition du Festival de l’Outaouais émergent, festival auquel il ne pourra participer cette année, des ententes contractuelles l’obligeant à faire des choix. Une première en carrière.
"C’est quand même fou de voir ce qu’un an peut changer et que, quand tu prends du recul, il y a si peu qui a changé", confie de but en blanc Faubert, attablé au Troquet du Vieux-Hull, quelques heures après le concert, alors qu’il amorce sa réflexion à rebours quant aux balbutiements de sa jeune carrière.
Printemps 2012
Lors du plus récent concours musical des Francouvertes, les pronostics jouaient en sa défaveur; tous le voyaient éliminé aux demi-finales. "Je m’explique difficilement comment j’ai pu faire mieux que, admettons, Antoine Corriveau et Simon Kingsbury, deux gars hyper talentueux", avoue Faubert, qui s’est pourtant taillé une place à la finale, laquelle a été remportée par Les Soeurs Boulay. "À la finale au Club Soda, on s’est fait prendre au jeu, celui de vouloir gagner. J’ai l’impression qu’on a oublié de s’amuser. C’était l’endroit où il fallait faire un show parfait, et je ne suis pas capable de me donner cette pression-là. Mais c’était vraiment hot."
Une gorgée de bière et il poursuit: "Ça a commencé le 21 février et ça s’est terminé le 1er mai; ma vie s’est concentrée autour de ce concours-là. J’avais une job 12 heures par semaine et on a dû me laisser aller… L’hiver a été rough en tabarnac. Tout arrivait pour faire chier. Tu te demandes pourquoi t’es venu au monde, pis là t’arrives aux Francouvertes, tu joues de la musique; t’es inatteignable. Tsé, les agences de recouvrement vont pas venir te chercher sur scène."
Hiver 2012
"L’hiver a été tranquille, avance le chanteur. Ç’a été long, mettons. J’ai angoissé; j’avais pas de job. Je voulais vraiment me pousser à bout. C’était du genre: "Tu veux vivre de ta musique? Ben là, c’est le temps. C’est tout ce que tu as." Je ne pouvais plus payer mon appart; j’ai dû céder mon bail avec grande peine. C’était n’importe quoi."
"L’album était sorti en mai 2011 et ç’a été le début d’un processus dans lequel je devais faire des choix, soutient Faubert à propos de sa première galette, réalisée avec son pote Dany Placard. Je me suis vraiment demandé si tout ça valait la peine d’être vécu. Je ne voulais pas avoir de job, j’avais l’impression de donner de mon temps à un employeur qui s’en foutait. Du temps trop précieux. J’ai une p’tite fille qui habite avec sa mère en Outaouais. Je voulais avoir de l’argent pour mettre du gaz dans le char pour aller la voir, pis du temps aussi. Ça ne marchait pas", explique-t-il, ajoutant avoir entamé des démarches pour ouvrir sa propre école d’écriture musicale.
Une idée qu’il a eue lors de sa participation au programme Les passeurs de rêves, un projet qui l’a réuni avec une jeune de 17 ans aux ambitions musicales analogues. "Cette fille-là est super brillante, mais elle était encore en secondaire 3. À notre première rencontre, elle m’a dit qu’elle n’avait jamais rien terminé de sa vie. Ensemble, on a écrit et enregistré deux tounes. Cette expérience a été plus gratifiante pour moi que de voir un Club Soda qui m’applaudit. Aider une jeune à évoluer, à terminer quelque chose, ça me fait me sentir utile. J’ai besoin d’aider du monde."
Pour le reste
À propos de son premier album homonyme paru le printemps dernier, Faubert assure: "Si j’avais l’argent, si j’avais la possibilité de le faire, je referais les voix. Ce sont des choix qui se sont faits à la base et que, des mois plus tard, je n’assume plus tellement. Ma voix sonnait comme de la marde. Avec ma blonde, qui est prof de chant, je me suis concentré à acquérir une technique. Les chansons étaient nouvelles… ça change la dynamique. Pour le nouvel album, les chansons auront vécu, les arrangements auront été fignolés; j’ai bien l’intention de me concentrer sur la livraison de ces nouvelles pièces."
Il évoque le succès de longue haleine de son ami Patrice Michaud: "Ce gars-là travaille comme un malade et ça commence tout juste à porter fruit. C’est le genre de carrière que je vise."
Il conclut: "Les critiques m’ont reproché de vouloir surfer sur la vague country. Crisse, ça fait 10 ans que je fais du country. C’est juste que ça a pris plus de temps pour que je trouve les sous pour produire mon album. C’est toute."