1995 : À qui la rue?
Musique

1995 : À qui la rue?

La formation rap française 1995 débarque aux FrancoFolies avec l’assurance du conquérant.

On ne la fait pas aux gars de 1995. Affichant 22 ans de moyenne d’âge et une vision très lucide de l’industrie du disque, les MC Alpha Wann, Areno jaz, Fonky Flav’, Nekfeu, Sneazzy West et DJ Lo’ sont de la génération Internet, celle qui a appris à flairer les inégalités sociales et les arnaques, peu importe leur contexte.

Au coeur d’un engouement marqué en France depuis la parution de ses deux premiers maxis indépendants, le groupe fondé dans le sud de la région parisienne s’est habitué à ne compter que sur lui-même, refusant les offres des requins attirés par sa fraîcheur. "On est jeunes, et je peux t’assurer qu’on a essayé de nous faire signer n’importe quoi, comme si notre manque d’expérience était synonyme de naïveté", explique au téléphone Fonky Flav’.

"Le hic, c’est qu’on est des passionnés de rap et qu’on observe beaucoup ce qui se passe. On lit aussi beaucoup sur le passé, et des histoires horribles impliquant de jeunes rappeurs qui se font avoir, les années 90 en comptent beaucoup. On l’a vu avec Doc Gynéco qui a dû se pointer à l’ANPE (l’Agence nationale pour l’emploi) pour se trouver du travail", raconte Fonky Flav’, fondateur avec ses collègues d’une compagnie qui produit les albums et les clips du groupe, en plus de co-organiser les tournées et gérer la marchandise.

Avec la décennie 90 comme point d’ancrage, 1995 (prononcez "mille neuf cent quatre-vingt-quinze", "un double neuf cinq" ou "un neuf neuf cinq") insuffle au rap français une bonne dose de groove propre aux racines hip-hop dans lesquelles se distillent des influences électro, rock, jazzy et soul. "On prend l’rap à la source / rime sample et flow", clame la formation sur La source, son premier maxi paru en 2011. "Au fond, on prend la base et on cherche à la faire évoluer. On qualifie notre musique de rap décomplexé, c’est-à-dire qu’on entre en studio, on écoute les bandes et on compose pour plaire à nous-mêmes. On se balance de ce que penseront les autres. Chaque pièce doit générer une émotion en nous. C’est la base."

Influencé par Les Sages Poètes de la rue, le groupe accroche l’oreille sans jamais nous écraser par le poids de son nombrilisme. Spontanés et frondeurs, les gars se défendent bien d’être arrogants. "Ça me fait bien rire. Certains n’aiment pas notre vantardise, mais c’est vrai. Personne ne croyait en nous. On nous voyait comme un simple buzz Internet et nos EP font mieux sur les palmarès des ventes que les productions d’artistes établis qui comptent sur une grosse machine derrière eux. Ça les frustre quand on le dit, mais c’est vrai. L’important, c’est de faire de bons disques."