Exportation de la culture musicale française au Québec : Venons, enfants de la patrie
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Exportation de la culture musicale française au Québec : Venons, enfants de la patrie

Nos festivals musicaux nous amènent chaque année plusieurs artistes français inconnus. Qui arrange ces visites et de quoi dépend leur succès?

Brigitte, Music Is Not Fun, Twin Twin, Eiffel, Orelsan… Comme chaque année, les 24es FrancoFolies ont amené un flot de nouveaux cousins français aux oreilles montréalaises. Des noms dont même les plus au courant n’avaient jamais entendu parler. Entre-temps, aucun signe de Petit fantôme, Paradis, Aline, Cracbooms ou The Liminanas, pourtant « hypés » dans l’Hexagone. Et qu’en est-il de La Femme, Dominique A ou Françoiz Breut, qu’on n’a plus revus après une ou deux timides visites?

De ces premiers contacts, la plupart restent lettre morte. Évidemment, avec une population de 66 millions d’habitants en France versus 8 millions au Québec, on ne saurait s’attendre à ce que les exportations soient exhaustives ni systématiquement couronnées de succès, mais les questions méritent d’être posées: comment sont-elles sélectionnées et de quoi dépendent leurs suites?

Déclin de l’industrie oblige, le temps des percées qui commençaient par des sorties d’albums est révolu. Les programmateurs de festivals comme Laurent Saulnier des FrancoFolies ou Sandy Boutin du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME) en sont donc les principaux acteurs. Tous deux ont une préférence pour les jeunes pousses. « Music Is Not Fun ou Twin Twin sont des groupes encore méconnus en France, mais qu’on essaie de prendre en début de carrière. Et on souhaite qu’ils iront aussi bien ici qu’en Europe. Mais ça, c’est toujours un guess. On ne le sait jamais », indique Saulnier. Lui et Boutin pallient la distance en faisant appel à leur réseau d’homologues européens pour d’éventuelles suggestions, mais traversent aussi fréquemment la mare pour aller constater de visu.

Après, les grilles se remplissent suivant des critères spécifiques à chacun. « Je dois avoir tant de projets francophones, tant de projets issus de la région, tant de projets anglos de Montréal, tant de Français », énonce Boutin, qui croit néanmoins que la programmation d’un festival reflète la personnalité de ses programmateurs. « J’ai aussi des contraintes de style: j’ai des soirées métal, hip-hop, rock, chanson, électro… J’ai beau avoir quatre ou cinq coups de coeur, je ne peux pas tous les faire », ajoute-t-il, soulignant au passage l’éternelle question de l’argent, laquelle est parfois contournée par des partenariats avec des festivals d’outre-mer, mais qui amènent eux aussi leur lot de limites.

Saulnier doit poser des questions semblables. « Ont-ils envie de venir? Beaucoup préfèrent se concentrer sur leur marché, là-bas. Et ce n’est pas tout d’avoir envie de les recevoir. Avec qui peut-on les « matcher » dans la programmation? Comment faire en sorte que ce groupe-là soit bien accueilli et qu’il trouve son public? »

Relance ou dispense?

Une fois le premier contact établi, la suite dépend souvent de la détermination de l’artiste à s’implanter ici. Simon Fauteux l’a constaté à maintes reprises au feu distributeur Fusion 3, puis dans sa boîte de relations publiques Six Media, qui coordonne notamment les relations québécoises d’artistes européens. « Il faut que l’artiste soit prêt à revenir, qu’il comprenne qu’il ne fera pas le Stade de France et qu’il va commencer par des petites salles, résume-t-il. Ça prend un investissement personnel et financier. Il faut que l’artiste soit capable de séjourner ici pendant un mois ou de revenir quatre fois dans l’année. Même s’il y a huit personnes dans la salle la première fois. »

Selon Fauteux, Cali est un bon exemple d’aplomb. « Il est toujours prêt à revenir et quand il revient, il travaille fort et prend toutes les entrevues! »

Rosanna Granieri, du distributeur français Space (Moriarty, les Vendeurs d’enclumes, Rodolphe Burger) et des Disques Victoire, abonde dans le même sens. « Quand un artiste me dit: « J’ai une date aux Francos », je lui réponds: « Ah ouais, pis quoi? T’as quoi comme plan de match après? » Dans la mesure du possible, j’essaie de les pousser à rencontrer des tourneurs », lance-t-elle.

« Pour que ça marche au Québec, il faut que ça sorte de l’ordinaire, que ce ne soit pas quelque chose que vous avez déjà sur place. Si c’est trop intellectuel, je ne suis pas persuadée qu’on puisse sortir des FrancoFolies, de Coup de coeur francophone et du Festival d’été de Québec, dit-elle. L’airplay radio, oubliez ça, on n’en a pas. On va avoir quelques passages sur Radio-Canada, mais ça ne fera pas vendre de disques », décrit-elle.

Granieri fait écho à ses collègues en comparant les festivals à un marchepied. « Ça permet de rencontrer des professionnels. Parfois, y a des deals qui se montent. D’autres fois, il ne se passe rien. Je n’ai pas voix au chapitre », souligne-t-elle. « Et puis en termes de goûts du public, après, c’est un peu la loterie, quoi. »