Cowboy Junkies : Mille après mille
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Cowboy Junkies : Mille après mille

Pas de répit pour les Cowboy Junkies. Après avoir mis en boîte quatre albums en 18 mois, la pierre angulaire de l’alt-country canadien roule encore et toujours, mille après mille, sur les chemins de traverse de la musique sincère.

En ce moment, Michael Timmins, guitariste des Cowboy Junkies, revient d’une escapade pêche improvisée au détour de la tournée pour laquelle le monument du heartland rock américain, John Mellencamp, leur a demandé de tenir le rôle de la première partie grand luxe.

Hier à Dawson Creek, Timmins a hameçonné un squawfish d’un honnête gabarit (à voir en photo sur le site Web de la formation). Mais aujourd’hui à Prince George, Colombie-Britannique, pas de chance. "Disons que je me contente de mettre la ligne à l’eau, avoue le musicien en rigolant. C’est l’essence de ma technique."

Depuis la parution de The Trinity Session en 1988, Cowboy Junkies (Michael; Margo, sa soeur, chant; Peter, leur frère, batterie; Alan Anton, basse) enfile inlassablement album après tournée après album, défendant vaillamment sa réputation de groupe canadien le plus travaillant. Ses relectures hantées et alanguies de Sweet Jane ou Blue Moon ainsi que ses ballades chargées d’une charbonneuse sensualité (Misguided Angel) demeurent à ce jour le petit catéchisme d’une génération d’artistes folk-country entichés de pedal steel, d’accordéon et de sincère dépouillement.

Après avoir dûment marqué le 20e anniversaire de ce magnum opus avec les concerts et l’album live de circonstance, Michael Timmins plie bagage à l’automne 2008 pour la Chine natale de ses deux filles. "Ma femme avait dégoté un emploi de professeure d’anglais dans une petite communauté située à environ deux heures de Shanghai. Nous y avons passé trois mois. Ça a été une expérience transformatrice pour la famille, surtout pour ma plus jeune fille qui est depuis déterminée à aller vivre là-bas un jour."

À son retour au pays, Timmins érige l’épine dorsale de Renmin Park, premier volume lancé en juin 2010 de The Nomad Series, cycle de quatre albums qui verront le jour dans un effarant délai de 18 mois. "Celui-là a été écrit différemment. Nous avons d’abord bâti les chansons autour des enregistrements de terrain (field recordings) que j’avais réalisés en Chine: des enfants en classe, des parties de badminton, des sons de rue." Réussite: Cowboy Junkies fait merveille en imprégnant de musique chinoise ses complaintes de déracinés.

Fréquenter ses démons

Demons, deuxième tome de la série, dérobe à l’ombre de la Faucheuse l’oeuvre de Vic Chesnutt, génie méconnu de la chanson torturée et acide, un ami des Junkies tristement disparu en 2009. "L’enregistrement des voix a été très difficile, reconnaît Timmins. Revisiter des morceaux comme See You Around, qui traitait probablement à l’origine d’une rupture, prenait une couleur nouvelle à la lumière de son départ. C’était très intense."

Après Sing in My Meadow, échappée en roue libre du côté d’un acid blues instinctif qui encapsule l’énergie brute du groupe, Cowboy Junkies parachève son tour de force en revenant à un son plus classique avec The Wilderness, méditation autour des affres de l’âge.

"Some wounds will never heal / Loneliness becomes an expectation" (Certaines blessures ne guériront jamais / La solitude devient une attente), susurre par exemple Margo sur I Let Him Go. Ce constat, s’agit-il d’un premier pas vers la résilience ou d’une croix à porter? "Si tu vis toujours dans l’attente que tes vieilles blessures guérissent, elles peuvent devenir encore plus douloureuses, répond l’auteur. Je pense que c’est plus facile si tu comprends qu’il y a des plaies qui ne se refermeront jamais. C’est ça la vie: accumuler ici et là les blessures."

Au moins, certaines choses se bonifient avec le temps. Comme la voix de Margo, confirme Mike. "Elle a toujours eu un style ensorcelant, mais à nos débuts, elle travaillait plus en retenue. Sa voix est maintenant plus puissante et elle la contrôle mieux. Elle n’a pas peur de l’exploiter. Pour moi, en tant que compositeur et arrangeur, c’est assez stimulant."

Avec cette belle cinquantaine de nouvelles chansons, bâtir un concert ne doit pas être une sinécure? "Ce n’est pas si mal. Nous faisons deux parties, une première composée de matériel issu de The Nomad Series et une seconde qui puise dans notre catalogue. Margo le fait savoir dès le début afin que tout le monde relaxe et se laisse transporter sans angoisser à l’idée de ne pas avoir la chance d’entendre ses préférées." De vrais amis, ces Junkies.