Gianmaria Testa : La quête et la vertu
Gianmaria Testa confronte les réactionnaires et engage sa parole. Ce conteur et poète de talent expose avec virtuosité le théâtre de la vie.
C’est le troubadour d’Italie, celui qui sillonne l’Europe avec sa guitare en bandoulière et ses carnets de notes remplis de poésie. Gianmaria Testa observe et traduit en musique l’état du coeur de sa collectivité. Cet auteur-compositeur-interprète de talent aime aussi conter et prendre le temps de mettre en contexte les quelques récits qu’il a collectés au gré des jours et des années qui ont passé depuis la sortie du disque Da questa parte del mare, en 2006. Avec Vitamia ("Ma vie"), l’artiste a signé un septième album solo qui interpelle la vie.
"Je ne dirais pas que je suis un chanteur engagé, mais j’ai toujours l’impression de prendre des engagements quand j’enregistre un nouveau disque, remarque-t-il. Je dois me concentrer sur ma microscopique vérité, pas autre chose. Il y a toujours le monde qui m’entoure au présent. Et ce présent est composé d’énormes difficultés: le travail, la crise économique… L’Europe vit une crise. Comme d’habitude, cette crise, elle est payée par les gens qui possèdent moins, voilà! C’est une loi non écrite de ce système que l’on qualifie de néocapitaliste. Moi, je regarde, et je chante ce que je vois."
Alors que Da questa parte del mare s’attardait sur le phénomène migratoire des gens en Europe, Vitamia vise plus large et touche à plusieurs sujets d’actualité tout en laissant place à des réflexions personnelles. "Vitamia n’est pas un album concept, c’est plutôt une sorte de journal. Il y a des chansons qui sont d’ordre privé; j’en dédie d’ailleurs une à l’un de mes fils [Nuovo]. D’autres vont parler du monde du travail ou encore de politique. C’est un carnet de notes personnelles, mais que je peux partager."
En compagnie du guitariste Giancarlo Bianchetti, Gianmaria Testa a échafaudé une trame musicale contrastée qui laisse place à des sonorités au caractère rock. Une facture qui donne du tonus à certains textes plus dénonciateurs. "Il y a une raison presque physiologique à cette direction artistique. Prends cette chanson qui parle d’un ouvrier qui monte sur le toit de son usine pour voir qui l’a congédié [Sottosopra]. Ce texte s’impose et il devait être accompagné d’un son moins souple, plus électrique. Et la vie, elle est comme ça aussi: faite de bruit et de silence."
Mais le silence n’est pas sa tasse de thé lorsqu’il s’agit de dénoncer les despotes de ce monde, dont l’ancien premier ministre de l’Italie Silvio Berlusconi, qui était l’une de ses cibles favorites ces dernières années. Un chapitre politique qu’il a dénoncé sans relâche. "Il y a deux ans, au lendemain d’un concert en Italie, un élu de la région avait convoqué une conférence de presse pour dire que je n’avais pas le droit de m’exprimer contre Berlusconi car j’étais payé par l’administration politique. Je lui ai envoyé un courriel lui disant que c’était vrai: j’étais payé par la Ville. Sauf que je ne savais pas qu’il croyait m’acheter! Si on avait voulu m’acheter, il aurait d’abord fallu que j’accepte. Dans l’éventualité où j’aurais accepté, le prix, lui, aurait changé! Ces controverses, ce sont comme des médailles. Si quelques chansons font encore peur, eh bien, ça veut dire qu’on fait du travail de qualité."