Loco Locass : Attache ta tuque!
Panne d’inspiration, carré rouge, Beastie Boys, Québecor, Power Corporation et ceinture fléchée… Loco Locass est de retour et joue cartes sur table.
Très peu d’artistes peuvent se permettre de passer huit ans sans lancer le moindre album. En cette ère de zapping culturel, une telle disette devrait être fatale. Pour Loco Locass, l’effet fut inverse. Non seulement le trio rap québécois s’est-il maintenu parmi les importantes têtes d’affiche de nombreux festivals, mais les succès populaires et ponctuels des pièces Le but (inspirée du Canadien de Montréal), Hymne à Québec (composée pour la série Québec-Montréal) et M’accrocher? (utilisée dans le film Tout est parfait d’Yves Christian Fournier) ont permis au groupe de rester bien vivant dans la tête des Québécois.
Soulagés d’avoir enfin sous le bras leur nouvel album, Biz, Chafiik et Batlam savent qu’ils doivent maintenant faire face à la musique. "Nous considérons les Loco Locass pris au centre d’une guerre entre deux empires médiatiques", se mouille Biz d’emblée. "On dirait que si tu t’associes avec l’un pour monter des projets, forcément, t’es contre l’autre. En tant qu’artistes, nous revendiquons une position libre et en dehors du feu croisé impérial."
LA PANNE SÈCHE
Chose certaine, Péladeau n’est pas épargné sur Le Québec est mort, vive le Québec! Le président et chef de la direction de Québecor est montré du doigt dans Tout le monde est malheureux (avec la participation de Gilles Vigneault), une pièce consacrée à l’avarice et à l’insatisfaction chronique sociétaire. Le jeu compulsif (Kevin et Gaétan), le suicide (M’accrocher? en version allongée), la place du français à Montréal (Occupation double), la religion (Le mémoire de Loco Locass) et l’émancipation du peuple québécois (Les géants, [Wi]) font partie des autres thèmes abordés.
"Après Amour oral, le puits était vide, illustre Biz. Et quand il ne pleut pas, le puits ne se remplit pas. Après, c’est la nappe phréatique qui a été contaminée par le gaz de schiste (vol d’équipement en 2008, projets personnels). Mais un jour, il y avait assez d’eau pour ramasser une chaudière."
Moins urgentes, quoique toujours viscérales, et plus musicales que sur Amour oral, les compositions du Québec est mort, vive le Québec! s’inscrivent dans la continuité pour le trio qui mise une fois de plus sur ses talents bruts: exploration musicale, prose inventive et livraison habile. "Je crois que pendant toutes ces années, nous avions sous-estimé la puissance de notre travail de groupe", poursuit Biz qui a publié deux livres chez Leméac ces dernières années. "Fondamentalement, nous sommes une cellule de création qui fonctionne à trois, mais nous pensions pouvoir travailler chacun de notre côté pour pallier l’absence des uns… Ç’a pas marché. Il a fallu se retrouver pour multiplier nos talents, plutôt que de les additionner."
Loco Locass
Le Québec est mort, vive le Québec!
(Audiogram)
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Hommage aux Beastie Boys
Reprenant en page couverture la célèbre pochette de l’album Check Your Head des Beastie Boys, Loco Locass a voulu saluer le trio rap new-yorkais affligé par la mort du MC Adam Yauch le 4 mai dernier.
Biz: "Pierre Falardeau et les Beastie Boys sont les pères spirituels de Loco Locass. Sans le premier, notre discours ne serait pas le même, et sans les seconds, nous aurions écrit de bien beaux textes, mais nous ne les aurions pas rappés."
Batlam: "J’étais au secondaire lorsque le rap et les Beastie Boys m’ont percuté. J’étais déjà un fan des chansons à texte, comme celles de Brassens, mais entendre un discours pertinent sur du gros beat, ça m’a renversé."
Chafiik: "C’est en écoutant la chanson Brass Monkey de l’album Licensed to Ill que j’ai eu le désir de fonder un groupe de rap à trois. Les Beastie Boys m’ont appris comment nous pouvions nous passer le micro avec intelligence et utiliser notre voix avec virtuosité."
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Rouge de monde
Lorsqu’on a invité Loco Locass à participer au spectacle de la Saint-Jean à Québec, le trio ne s’est pas fait prier pour dire oui. "Cet événement est un peu le summum pour le groupe, confie Chafiik. Nous ne pouvions pas refuser, mais nous ne voulions pas remonter sur scène avec nos vieilles chansons. Il nous restait deux mois et demi avant cette date. Nous avons travaillé jour et nuit pour terminer le disque à temps."
Les fans du groupe seront sans doute au rendez-vous, mais surtout les carrés rouges, qui promettent de se faire entendre lors de la Fête nationale à Québec. "Il y a juste les casseroles qui soulèvent des interrogations, avoue-t-il. Nous aimerions que les gens les apportent pour faire du bruit entre les pièces, sauf que s’ils les sortent pendant les chansons, ça risque de devenir cacophonique. Mais de toute façon, le mouvement des casseroles me rend si fier des Québécois. Les interdire serait contre nature."