Orchestre Poly-Rythmo : Cotonou-Montréal
Après les papis du Buena Vista et les revenants de l’Orchestra Baobab, voici un afro funk vaudou datant des sixties, mais qui décoiffe encore: l’Orchestre Poly-Rythmo.
Après les années de gloire et des tournées intenses à travers toute l’Afrique, on n’entendait plus du tout parler des musiciens du bien nommé Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo. Plusieurs étaient décédés, les autres étaient retournés à leurs divers métiers. L’un d’entre eux était devenu pasteur, un autre soudeur, un troisième travaillait à la défense des droits des artistes. Jusqu’au jour de 2007 où Élodie Maillot débarque de Paris avec un Nagra sur l’épaule. La journaliste de Radio France Internationale retrouve les survivants de cette machine à groover pas loin de la capitale béninoise, et les gars s’esclaffent à la vue du magnétophone à deux pistes sur lequel ils ont réalisé une quantité innombrable d’enregistrements dans les années 1960 et 1970.
"On est resté en Afrique, explique le chanteur Vincent Ahehehinnou, car on nous disait que notre musique n’était pas exportable dans sa forme naturelle, que nous devions la changer. Puis nous avons perdu tous nos instruments, détruits lors d’une tournée en Libye… Et surtout nous étions très nombreux. Or, les billets d’avion au départ de Cotonou coûtaient très cher car il y avait un monopole d’Air France. Bref, nous n’avions jamais pensé, ni même osé imaginer jouer un jour hors d’Afrique, jusqu’à ce que l’on rencontre cette grande dame. Et on a décidé de ne pas la lâcher. On a appris à se connaître et on a fini par faire le tour du monde."
Les musiciens du Poly-Rythmo ont ainsi enregistré Cotonou Club, un premier album en 25 ans, au studio Sparkle dans la Ville lumière. Mixé en partie à Londres, ce disque déjanté avec des élans rageurs accueille les rockeurs écossais Franz Ferdinand et la star africaine de New York Angélique Kidjo, qui reprend avec eux leur plus gros succès en carrière Gbeti Madjro, morceau irrésistible. Le saxophoniste et leader Mélomé Clément commente: "Je pense que ce succès vient du fait que la chanson parle de ce que nous vivons au quotidien dans la société béninoise: la méchanceté, la jalousie, tout cela… Aucune nature n’est méchante. C’est nous-mêmes, dans notre pays, qui nous attaquons à nos semblables en leur jetant des sorts, en leur rendant la vie difficile, en les tuant même. Et nous accusons la nature et disons que c’est le sort."
En tout cas, quel que soit le sort qui avait été jeté à l’orchestre le plus performant du pays du vaudou, il faut croire qu’un miracle s’est produit car son groove est intact!