Patrick Watson : La vie fait son oeuvre
Patrick Watson est au sommet de son art et son groupe vient de signer un chef-d’oeuvre avec son quatrième album. Après moult aventures, la formation savoure maintenant la maturité artistique.
Ces dernières années, Patrick Watson (voix et piano) et ses acolytes Simon Angell (guitariste), Mishka Stein (bassiste) et Robbie Kuster (percussions) ont sillonné l’Europe, les États-Unis et le Canada à maintes reprises, déplaçant leur caravane musicale d’une destination à une autre tout en collectionnant les images de certains endroits, de paysages rustiques et surtout de personnages pittoresques. Leur tout nouvel album, Adventures in Your Own Backyard, est en quelque sorte un hommage à cette vie de nomades et à ces rencontres inusitées. Comme si le seul fait de composer une trame sonore pour accompagner ces moments privilégiés que le groupe a partagés sur la route suffisait à éveiller la créativité et l’inspiration. "Je suis content de constater qu’on vient tout juste de réussir ce qu’on voulait toujours faire comme album, indique-t-il. Si on avait réussi ça il y a cinq ans, je ne crois pas que nous aurions eu la maturité nécessaire pour en profiter vraiment."
L’artiste ne s’en cache pas: il souligne sans détour que la composition et la réalisation de ce dernier album sont sans aucun doute le chapitre le plus agréable de leur carrière. Après l’audacieux Wooden Arms, le quatuor est revenu à l’essentiel: faire de la musique le plus simplement du monde. "C’est fou de voir à quel point rien n’était planifié pour ce disque. Il n’y avait plus de stress, et on a arrêté de se casser la tête. On a voulu faire de la belle musique, écrire des mélodies fortes, et, bien sûr, se laisser aller avec des exercices de style qui correspondaient à certains souvenirs de tournée, certains flashs qu’on a eus et qui nous avaient marqués. Il y a toujours des moments uniques qui surviennent sur la route."
Comme lors de ce séjour au Colorado où Patrick Watson et ses collègues ont traversé le Grand Canyon. Si vous avez remarqué la facture americana qui berce certaines pièces de l’album, et ces cuivres qui ponctuent la voix et le falsetto de Watson, vous savez maintenant pourquoi. Prenons la pièce Strange Crooked Road, par exemple. "Ça vient de là, concède-t-il. C’était fascinant de traverser ce parc du Grand Canyon, non seulement pour les paysages, mais surtout pour les accidents de parcours. On avait arrêté à une station-service et un homme est sorti de sa voiture au même instant pour nous interpeller. Il était incroyable, il nous a fait un monologue de 20 minutes, tel un preacher. On ne pouvait pas placer un mot. Et soudainement, il disparaît sur la route dans sa voiture… Wow! On s’est crus dans un film des frères Cohen! On a continué notre route, et on s’est dit que ce serait fantastique d’écouter Ennio Morricone et la trame sonore de Once Upon a Time in the West. Cette musique, le décor, et le souvenir de ce monsieur qui était sorti de nulle part… On roulait sans dire un mot et on était émus! On savait bien qu’on allait s’amuser avec ça, en studio, à notre retour au Québec. Cette musique, elle est surréaliste, mais elle a les deux pieds sur terre!"
Tout est limpide sur ce disque, tout coule de source et les arrangements pour cordes accompagnent le tout avec une respiration naturelle. Le quatuor à cordes Mommies on the Run, qui accompagnera le groupe sur scène au Festival d’été de Québec, est devenu un instrument de musique à part entière. "On voulait toucher les gens. C’est la seule ambition qu’on avait. On voulait donner la chair de poule aux auditeurs. On a pris un an pour vraiment se sentir bien avec chacune de ces chansons, pour trouver l’attitude idéale. On ne peut pas forcer les choses en musique. On a toujours été reconnus pour avoir des arrangements ambitieux et complexes. Wooden Arms, c’était ça. Avec Adventures in Your Own Backyard, on voulait montrer qu’on était capables de signer des chansons simples et mélodiquement accrocheuses."
"On a beaucoup appris sur nous-mêmes en faisant ce disque, ajoute-t-il. On a compris qu’on pouvait se faire confiance, car la maturité était acquise. Un groupe de musiciens, c’est comme avoir trois autres blondes! Les compromis sont personnels et intimes. Nous sommes quatre amis et on s’aime beaucoup. On s’est accordé aussi le luxe de vivre des aventures. En Europe, par exemple, avec ce voyage en Islande. Il aurait été plus intelligent de faire des tournées aux États-Unis au début, mais bon… Même si on aurait pu faire plus d’argent, on a au moins gagné une amitié exceptionnelle. Ce furent 10 années d’aventures, maintenant on peut partager tout ça avec un regard neuf", conclut-il en toute sagesse.