Metric : Le vrai, le faux
Musique

Metric : Le vrai, le faux

Sur Synthetica, cinquième album de Metric, Emily Haines tente de départager le vrai des effets de pacotille dans un lyrisme aux réflexions tant éthiques que philosophiques.

Ce jour-là, Emily Haines apprenait que Synthetica était certifié disque d’or pour des ventes de plus de 40 000 exemplaires au Canada et que son premier simple radio, Youth Without Youth, avait atteint le numéro 1 des palmarès collégiens américains. "Il fait bon d’être dans Metric ces jours-ci, pour être tout à fait honnête", lance au bout du fil une Emily Haines affable et confiante, on ne peut plus à l’opposé de l’idée que l’auteur de ces lignes s’était faite de la chanteuse. Impression construite au fil de deux autres conversations courtoises mais exécutées du bout des lèvres que la chanteuse et claviériste avait accordées dans le passé, qu’elle parvient facilement à faire oublier. "Retrouver des journalistes avec qui je me suis déjà entretenue me plaît, poursuit-elle. Cela évoque que le temps passe, mais que certaines constantes restent."

Il y a exactement trois ans, lors de notre dernier entretien à la sortie de Fantasies, le plus grand succès commercial et critique de Metric, Haines avait avancé qu’il lui était "tout à fait égal d’envisager de ne plus écrire ou composer de musique". À la mention d’une telle allégation, la chanteuse s’esclaffe: "Je peine à comprendre pourquoi j’ai dit ça! Ne plus écrire, en ce moment, me paraît impensable. C’est un besoin vital. Je me trouve un peu idiote d’avoir usé de stratagèmes de la sorte pour me faire accoucher de Fantasies."

Pour coucher sur papier les poèmes philosophiques et les dilemmes éthiques qui composeraient Synthetica, cinquième album du quatuor torontois, Haines est retournée dans sa ville natale, processus qui diffère en tous points de celui mis en place pour Fantasies. "Je me suis retrouvée chez moi, dans mon quartier, dans la ville que je connais. Je voulais faire face à ce qui m’était familier alors que j’aurais eu tendance à m’éclipser, à louer un chalet dans les tropiques, à voir autre chose. Peut-être était-ce dû au fait que Metric était toujours en tournée ces dernières années."

À l’instar de son processus d’écriture inédit, Synthetica s’émancipe de la formule prémâchée par une réalisation signée Jimmy Shaw, le guitariste du groupe. Dans le cas de Fantasies, Shaw coréalisait avec Gavin Brown, crédit qu’il partage cette fois toujours avec Brown, mais aussi Liam O’Neill et John O’Mahony, tous trois à la coréalisation. "C’est un processus que Jimmy a entamé il y a 10 ans, assure Haines. Alors que tout le monde se préoccupait de son instrument, lui, il se procurait des consoles de mixage dans l’optique de réaliser un jour l’album."

Elle ajoute: "Jimmy était la personne la mieux disposée pour créer les environnements sonores qui ont composé les chansons. Aussitôt que j’arrivais avec une idée, il savait distiller mon intention en sons. Ce travail a été très facile. Plus facile que n’importe quelle situation avec un réalisateur embauché; dans le meilleur des cas, la vision d’un réalisateur se juxtapose à celle que l’on veut suggérer, dans le pire, cela vient créer un clash."

Si, à la première écoute, les sonorités qui prévalent sur Synthetica ne s’égarent pas très loin des hymnes rassembleurs de Fantasies, il faut néanmoins une seconde écoute pour déceler une cohésion d’ensemble, tant poétique que sonore, qui se reflète d’ailleurs à merveille dans la pochette blanche aux représentations visuelles vaguement eighties et dans les paroles imprimées de sorte que seule une réflexion dans un miroir puisse en révéler les secrets. "C’est après coup, une fois le produit fini glissé dans le lecteur CD, que nous nous sommes rendu compte de ces fils conducteurs, parfois dans les synths, parfois dans les champs lexicaux. C’est un coup de chance, vraiment."

Des ruminations sur la vie de l’un sur Clones – "It’s too late in the day to tell me I’m off the path" – en passant par les préoccupations environnementales de Speed the Collapse, Metric n’a jamais été aussi méditatif et enclin à la remise en question. Haines explique, en guise de conclusion: "Je me suis intéressée au concept d’architecture radicale, à cette façon dont les gens dans le passé pouvaient percevoir ce qui allait être leur futur. Et à quel point ce qu’ils avaient envisagé pouvait être erroné. Synthetica révèle cette volonté de voir ce qui s’est fait dans le passé, simplement pour être plus en mesure de se projeter dans le futur. Se remettre en question, tirer des conclusions ne veut pas nécessairement dire la fin, mais plutôt le début de quelque chose de nouveau."