Liars : Le miroir aux alouettes
Le trio américain Liars s’est mis en danger en empruntant la voie électronique sur son nouvel album.
Au nom de l’art, les Liars ont fait de l’inconfort leur spécialité. Précurseurs de la mouvance dancepunk au début des années 2000, ils ont quitté une niche confortable pour raconter les chasses aux sorcières et incarner une certaine claustrophobie sonore avec They Were Wrong, So We Drowned (2004). Drum’s Not Dead (2006) était un gros plan fascinant des percussions. Liars (2007) était un manifeste sans influences extérieures voulant exprimer la perte de l’identité, et Sisterworld (2010) a cherché à illustrer les mondes parallèles.
En contrepartie, WIXIW, le petit nouveau paru début juin, score plutôt bas sur l’échelle du dépaysement. Sa facture presque entièrement électronique marque un détour dans l’histoire des Liars, mais pas une réflexion forte par rapport aux tendances musicales en vigueur. Selon l’imposant chanteur Angus Andrew, qui répond à nos questions depuis une route de l’Utah, c’est en vain qu’on y cherchera un concept. "Nous souhaitions cette fois enregistrer par nous-mêmes, sans réalisateur. Avec les machines, nous étions certains de pouvoir atteindre une plus grande qualité sonore, soutient-il. Par ailleurs, c’était quelque chose que nous n’avions encore jamais essayé, ça représentait un débalancement pour nous. Effectivement, on pourrait dire que cette fois, nous avons détourné le miroir du public et l’avons dirigé vers nous-mêmes."
Ce qui ne fait pas du nouvel opus un exercice pop à recevoir sans effort. Son titre, un palindrome à prononcer "wish you", est en quelque sorte une invitation à l’auditeur à forger son propre sens. "C’est une expression qui revenait souvent dans les chansons, sans qu’on l’ait planifié, souligne Andrew. J’aimais le fait qu’elle ait un sens ouvert. Ça pourrait vouloir dire "je te souhaite tout ce qu’il y a de mieux" comme "je te souhaite tout ce qu’il y a de pire"."
Quelle que soit l’esthétique choisie, les Liars aboutissent invariablement à des ambiances cauchemardesques, et WIXIW n’y fait pas exception. Selon Andrew, c’est parce que la composition n’est pas un processus paisible pour le groupe.
"Nous nous étions promis cette fois de tout composer ensemble. Mais au lieu de faciliter les choses, on dirait que ça les a rendues plus difficiles encore, indique-t-il. Il faut se rendre à l’évidence: la création tend à nous emmener dans des recoins sombres et il est normal que la musique qui en résulte reflète cela."
Le groupe discutera d’ailleurs de son processus de création la veille de son concert montréalais, lors d’un symposium gratuit organisé le 22 juillet, 18h, à l’Espace Pop Montréal (5587, avenue du Parc).