Sharon Van Etten : Mon amour, ma déchirure
Sur Tramp, sa récente parution, comme sur ses albums précédents, la sirène du rock indé new-yorkais Sharon Van Etten se vide les tripes. Enfin, c’est tout comme.
"Toutes", répond Sharon Van Etten, alors que Voir l’interroge à savoir laquelle, parmi les pièces qu’elle a couchées sur Tramp, son troisième album paru l’hiver dernier sur étiquette Jagjaguwar, a été la plus difficile à composer. La New-Yorkaise est catégorique: "Toutes les chansons ont été dures à compléter, je dois dire. J’écris des chansons seulement quand je vis des moments difficiles. C’est sans doute pourquoi l’auditeur peut confondre émotions avec tristesse."
À l’écoute de Tramp, le réflexe d’associer émotions à tristesse se révèle facile, surtout à l’écoute de son lyrisme chargé de chagrin: "Made love erase, to let out my mind / Wanting to love, as new as I can", chante Van Etten sur All I Can – pièce maîtresse de l’album qui a "soulevé de sérieuses questions quant aux barrières que je pouvais me permettre de franchir", confie-t-elle. Malgré l’instrumentation qui se veut plus chaude et variée que sur les précédents Epic (2010) et Because I Was in Love (2009), l’auditeur n’échappe pas au sombre constat: l’amour dévore tout. "L’écriture de ces chansons me permet de me libérer de bien des démons qui se sont emparés de moi au fil des dernières années. Écrire me permet de panser mes plaies. De prendre soin de moi."
Elle poursuit: "Tramp est un album de chansons d’amour, principalement. J’ai tenté d’en faire une conversation avec l’auditeur afin que ni moi ni l’autre ne nous sentions délaissés. Tout le monde vit les mêmes merdes."
Si elle a collectionné les collaborations comme on peut collectionner les paires de chaussures au fil des dernières années (elle a chanté sur l’exclusivité de The National Think You Can Wait, paru sur la trame sonore du film Win Win en 2011; prêté sa voix à Thirteen, chanson du plébiscité Hospice de The Antlers…), Van Etten retient peu de ces amitiés, sinon que le monde est très petit. "Je sens que le monde dans lequel je vis, celui de la musique et de ses créateurs, est très petit. Et, au fur et à mesure que tu en vis, tu finis par rencontrer des gens qui pensent comme toi. Je suis chanceuse de compter parmi ces gens des amis, des collègues qui font de cette carrière quelque chose de plus facile à porter."
Van Etten fait entre autres référence à Aaron Dessner, guitariste de la formation de Cincinnati The National, à qui on a confié le mandat de réaliser Tramp, et qui a insufflé une dose d’énergie méphistophélique à certaines des pièces, dont le premier simple, Serpents. "Aaron est comme un frère à mes yeux. Il m’a toujours encouragée à exprimer ce que je ressentais, à être ouverte aux idées nouvelles et à essayer tout. Tout!"
De ce "tout", Van Etten ne saura nous en dire plus. Celle qui passera la majorité des prochains mois sur la route aime en garder pour elle. Elle conclut: "La prochaine étape serait de tenter de rester "groundée" sur la route. En ce moment, mon band est vraiment incroyable; je ne pourrais demander mieux. Ces musiciens sont comme ma famille. Mais je sais que je peux compter sur mon copain et ma famille, qui comprennent pourquoi je fais ce métier, alors que moi, parfois, je doute encore. Tout ce soutien contribue grandement à me faire continuer."