Jipé Dalpé / Événement Sherbrooklyn : Tordre le bras au destin
Laisser passivement le destin le mener par le bout du nez, très peu pour Jipé Dalpé. Avant de s’envoler pour le Yukon, la France et l’Allemagne, l’auteur-compositeur d’origine estrienne présente le fruit de ses rencontres lors de l’événement Sherbrooklyn.
Il a beau avoir confessé son amour du farniente sur Défoncé, marrante ode à la fumette issue de son premier album, Les préliminaires, Jipé Dalpé refuse obstinément de conjuguer vie de créateur et vie de pacha. "C’est beau faire confiance au destin / Mais des fois y a besoin d’un coup de main", chante sur Qu’est-ce qu’on fait, premier simple de son second disque, La tête en bois, celui qui, à l’instar de plusieurs auteurs-compositeurs de sa génération, malmène le cliché de l’artiste-enfant strictement incapable de s’occuper de lui-même, encore moins de sa carrière. "Ce que je veux dire avec cette phrase-là, c’est que je suis trop volontaire pour m’en remettre aux étoiles, explique-t-il. Ce n’est pas très poétique, mais je suis une petite PME sur pattes, je touche à tous les aspects de ma carrière. Je m’investis beaucoup dans les rencontres que je fais. Tu vois, dans deux semaines, je joue au Yukon à l’occasion d’une vitrine sur la chanson francophone, et après, je m’en vais faire la première partie de Thomas Dutronc en France. J’en ai profité pour recontacter moi-même des diffuseurs avec qui j’avais tripé lors des mes précédents passages et me "booker" une petite tournée française. Je vais aussi jouer en Allemagne. C’est ça que j’appelle donner un coup de main au destin. J’ai toujours été très chanceux. La vie est bonne pour moi, oui, mais je lui tords un peu le bras."
Rencontre. Le mot reviendra comme un leitmotiv au cours de l’entrevue, manière de rappeler que le succès d’un parcours chansonnier ne se mesure pas qu’en disques vendus. "Prends le spectacle que je vais donner en Allemagne; ce n’est pas dans le but de tenter une percée là-bas, mais ça va me donner du jus pour un bout, ça va me nourrir, comme la première fois que j’y suis allé avec Gaële. On avait traduit des petits bouts de présentation pour essayer d’entrer en contact avec les spectateurs qui ne parlaient pas français – bon, c’était probablement incompréhensible (rires). Tout se passe dans le regard dans ces moments-là, les gens essaient de te dire qu’ils ont aimé ça, toi tu essaies de leur dire merci. C’était magique."
DU SOLIDE
En tant que trompettiste-guitariste-choriste accompagnateur, Jipé Dalpé occupait une place de choix pour observer le triomphe de Vincent Vallières, un pote de longue date, lors de sa plus récente tournée Le monde tourne fort. Question vache: te languis-tu, Jipé, de connaître un succès aussi fracassant que Vallières? Es-tu jaloux? "Non, pas du tout, rigole-t-il. J’étais surtout fier et content pour mon chum. C’est beau de voir sa carrière prendre d’autres proportions parce qu’elle est bâtie sur du solide. Les ascensions fulgurantes finissent souvent en casse-gueule fulgurants. C’est pour ça que moi, j’aime avancer lentement, en bâtissant aussi sur du solide. Je ne sens pas le besoin de jouer au petit coq et de me mettre devant tout le monde pour avoir l’attention. La lumière arrive d’elle-même."
Toujours mu par un désir de rencontres oxygénantes, Dalpé préside lors de l’événement Sherbrooklyn un spectacle unique placé sous le signe de l’amitié. En plus de son éternelle compagne Gaële (qui fait incidemment paraître Microscope, un nouvel EP très charnel, le 18 septembre), le slameur David Goudreault fera tonner son verbe solidaire et l’orchestre de cuivres Grüv’n Brass soufflera un grand vent funk sur le folk-pop de Dalpé.
Le 7 septembre à 20h
Au Théâtre Granada
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ÉVÉNEMENT SHERBROOKLYN
Pronostiquer sur le concours que tient l’événement Sherbrooklyn le 6 septembre relève de l’exercice périlleux. À vue de nez, le folk-rock de Noem part avec une longueur d’avance, ne serait-ce que pour l’assurance de son leader Vincent Vachon et de la solide brigade de musiciens qui le seconde. Une impression que pourraient contredire les jeunots Orange O’Clock, qui comptent déjà parmi leurs trophées de chasse la première place de la plus récente édition d’I’LL Musik, et la chanteuse jazzy Caroline Pépin-Coulombe, qui dépoussière le scat avec espièglerie. Le folk-rock atmosphérique de Multicolor Poet pourrait aussi brouiller les cartes. Courage aux jurés qui octroieront 10 000$ au grand vainqueur ainsi que la chance aux médailles d’or et d’argent d’assurer les premières parties de Jipé Dalpé ou d’Angel Forrest, qui clôt le week-end avec ses friends le 8.