Bernard Adamus : Se ronger les ongles
Musique

Bernard Adamus : Se ronger les ongles

À quelques jours de paqueter guitare et blues pour reprendre la route avec le très attendu N° 2 sous le bras, Bernard Adamus s’avoue nerveux.

Rencontré dans un jardin en début d’après-midi, lors du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue, où l’artiste participait à un concert soulignant les 10 ans de l’événement en compagnie de Dumas et de Jean-Pierre Ferland, Bernard Adamus semblait plutôt calme, pourtant. Affalé sur une chaise, le regard perçant, le gaillard derrière le fameux disque Brunsuscitait l’image d’un boxeur attendant le son de la cloche pour relever les poings et s’élancer dans un second round déterminant.

« Je n’étais pas prêt à ça. Je ne m’attendais pas à ce que tout ça arrive. Jamais de la vie », confie-t-il candidement, revenant sur l’épisode Brun, un album sans prétention qui lui a pourtant valu prix et accolades. « C’était de la nouvelle info chaque semaine. « Tiens! Un nouveau contact! Oh! Quelqu’un de nouveau dans la loop! Ah! Un prix! Puis un autre prix! » C’est sûr que ça fait plaisir, mais autant j’avais beaucoup de fun, autant j’angoissais en même temps. » Un vertige qui, évidemment, se retrouve sur N° 2.

De bruit et de silence

Ponctué d’histoires de coeur, d’amis et de route cumulées au fil des tournées, N° 2 est aussi une oeuvre meublée par le silence. « N° 2 parle de ce que j’ai fait, grosso modo, au cours des deux dernières années: faire des shows et être rarement à la maison », ajoute le chanteur entre deux traits de café. « Puis, lorsqu’on revient à la maison, c’est le silence, c’est l’angoisse lorsqu’on est habitué au bruit et à être entouré. Y en a qui, j’imagine, attendent ça avec impatience, mais je dois avouer que moi, j’ai frappé un mur. »

La deuxième offrande de Bernard Adamus n’est toutefois pas son Pinkerton. En dépit du spleen traîné dans ses bagages, l’artiste revient à la charge avec une oeuvre aussi festive qu’introspective, peuplée de « personnages » plus vrais que nature. « Ça peut aller loin par moments, mais pas comme sur Les raisons« , explique-t-il en faisant référence à une pièce « particulièrement vache » de Brun lorsqu’on mentionne la mise en scène de son entourage. « La fille en question a « badtripé » quand elle l’a entendue. Elle m’a dit « Man, j’vais t’arracher la tête! Tu peux pas chanter ça! » Alors, oui, ça peut aller loin, mais je crois avoir livré une image honnête de ces gens-là au moment d’écrire la toune. »

De fatigue et de cuivre

Après avoir couché ses mots ici et là, entre la route et la maison – « J’ai développé une maladie, soupirera Adamus en abordant l’écriture de N° 2. Quand je prends un crayon, j’écris des tounes. Ou du moins, j’essaie. J’écris rarement pour moi ou pour le fun, maintenant » -, Adamus s’est remis au travail avec son collaborateur Éric Villeneuve (batterie et réalisation). Encore une fois, le doute traînait. « J’avais pas mal peur. Je savais pas trop ce qu’on voulait faire. Je commençais à avoir envie de ploguer des choses, histoire de ne pas plafonner », glisse Adamus, en faisant référence aux pistes de guitare électrique. « Ça s’est quand même bien fait, mais je ne te cacherai pas qu’il y avait aussi de la fatigue et de la nervosité. »

Bien que Villeneuve, désirant passer davantage de temps en famille, n’accompagne plus Adamus en tournée, la trace du réalisateur, elle, est déterminante sur N° 2, un opus issu d’un enregistrement qui n’a pas été de tout repos. « Les deux, on est arrivés là-dessus super fatigués et le stress était déjà palpable. Moi en tant que gars qui porte le nom de ce projet-là, et lui à titre de réalisateur qui devait maintenant « dealer » avec d’autres personnes que lui-même, comme celles du label. »

Lorsqu’on lui demande ce que son frère d’armes a apporté de particulier à cette deuxième galette, Adamus ne mâche pas ses mots. « Grâce à Éric, on n’a pas fait les erreurs qu’on aurait faites si j’avais mené la réalisation! s’exclame-t-il. Éric, c’est un gars anti-quétaine. Ça aurait été facile de gâcher des ballades comme Fulton Road ou Le scotch goûte le vent en les rendant plus pop ou en casant un beat niaiseux dessus. Sur Le scotch…, par exemple, y a des cuivres qui arrivent et c’est super sobre. Si ça n’avait été que de moi, j’aurais dit: « Ben non! On met des brass tout le long de la toune! On en met partout! » Éric, lui, m’aurait répondu: « Calme-toi. Le monde veut aussi entendre ta crisse de toune. Fais-moi confiance. Ça va être swell! » » Puis, une autre pause, un sourire songeur, et Adamus conclut que « c’est le fun de travailler avec quelqu’un qui te confronte ».

Bernard Adamus
N° 2
(Grosse Boîte)
Dans les bacs dès le 25 septembre

À Gatineau
Au Petit Chicago
Le 24 novembre, 22h