Geneviève Toupin / SYLVIA : À hauteur de femmes
Musique

Geneviève Toupin / SYLVIA : À hauteur de femmes

Geneviève Toupin et SYLVIA ont choisi le même décor: celui de la chanson country-folk. Mais là où la seconde s’en sert comme d’un théâtre réaliste où défilent d’attachants personnages, l’autre y peint l’étrange tableau de ses rêves.

Croisée à l’époque où elle participait au projet 5 x 5 du Théâtre Petit Champlain, Sylvia (qui a depuis laissé tomber sa particule patronymique) avait alors paru fébrile, impatiente de se lancer, désireuse que le public vienne à sa rencontre. Quatre ans plus tard, un premier disque en main, l’apaisement est patent. "J’avais hâte, j’étais pressée de le faire ce disque-là, je me suis embarquée dans plusieurs projets qui ont plus ou moins abouti au fil du temps, et là, tout le monde me mettait les breaks, me disait d’être patiente pour ce disque. Je suis contente de les avoir écoutés."

Si La fuite est un album qui, au premier abord, semble solidement ancré dans le premier degré de la plus pure tradition country, il recèle bien plus qu’une série de complaintes réalistes ou d’hymnes à la vie. Les légers décalages entre le fond et la forme (écoutez l’étonnante Thomas, ou la sensible Dernière ride) de même que la richesse de textes qui jouent habilement sur les mots révèlent une artiste habitée, un talent abouti. La réflexion sur son travail est à l’avenant. "Je raconte des histoires dans mes chansons, principalement parce que je n’avais pas envie de ne parler que de moi. Évidemment, je le fais quand même, d’une certaine manière, mais j’avais plus le goût de parler des autres. Ça vient avec des personnages, et la nécessité de raconter des histoires."

En résulte un travail à hauteur d’homme (ou de femme), sensible et humain. Cela débute avec une invitation à lâcher prise, Chalet rouge, et se termine avec Le bonheur, modus operandi de tous nos sabotages. Entre les deux, Sylvia trace habilement les contours de la condition humaine. L’amour fou, la mort, l’espoir et la perte. "J’aime comme le bluegrass parvient à évoquer des drames avec une musique enlevante, et à l’inverse, j’aime une chanson comme Valse western qui y va à fond, où j’assume le côté un peu kitsch de la chose. Au final, ça balance le pH de l’ensemble. Je ne sais pas exactement à quoi j’ai touché, si j’ai réussi à cerner quoi que ce soit, mais ce qui m’intéresse maintenant, c’est de recevoir ce que les gens en pensent, et si eux perçoivent quelque chose que j’ai fait d’instinct, naturellement et sans le savoir, et qui les touche." Elle ne risque pas d’être déçue.

Entre deux chaises

Franco-Manitobaine qui a adopté Montréal et le Québec, Geneviève Toupin en est à son second essai. Le premier, en français, lui a valu succès d’estime, reconnaissance du milieu, quelques prix et un bouquet de nominations en tant qu’auteure-compositrice-interprète. Le second, en anglais, attirera au moins autant d’accolades. Sinon plus encore.

Le raffinement dépouillé des arrangements, des voix qui coulent de source, une prise de son et une réalisation chaleureuses et des textes sur lesquels plane une grâce certaine la placent aux côtés des Cowboy Junkies et de Ray Lamontagne. Un style qu’elle a longuement travaillé lors d’un autre projet: La tournée des cafés. "Je voulais tourner un clip, et Pierre-Luc Racine, le chum de ma meilleure amie, en faisait. On en a réalisé un premier, puis quand on s’est retrouvés pour parler d’un second, on était dans un café, y avait un piano, on s’est dit que ce serait cool de filmer ici, et on s’est mis à imaginer une série de clips, dans plusieurs cafés, où on invite différents artistes."

Tour à tour s’y succèdent Alexandra Stréliski et Alex Nevsky, Antoine Gratton, Émilie Proulx, Emilie Clepper, Andrea Lindsey, Anique Granger, Manuel Gasse et autres âmes soeurs musicales, qui viennent accompagner Toupin dans les chansons issues de ses répertoires dans les deux langues officielles. "On a fait 11 vidéos pour le prix d’une. Ce sont des rencontres qui me permettent d’entrer en contact avec les autres, parce que je suis de nature timide."

L’expérience agit comme un laboratoire où se matérialisent les lignes directrices de chansons superbement livrées comme Barren Season, et redonne autrement vie à son matériel franco. "Le disque en anglais, c’est tout sauf stratégique, affirme Geneviève Toupin. J’avais des chansons en anglais que je souhaitais enregistrer, et depuis, ça m’a ouvert plusieurs portes inespérées, comme les premières parties d’Eleni Mandell. Mais j’en avais simplement envie, c’est un trip."

Habituée à flotter entre deux chaises, l’auteure-compositrice cultive l’envie d’ailleurs, d’incertitude. Ici, elle se manifeste dans le détournement halluciné d’une musique de tradition et de patrimoine. "Plutôt que de parler du quotidien, je voulais aborder le monde des rêves, des univers étranges, et le faire dans un style qui me convient. Je suis très contente de ce que ça donne, vraiment… Mais comme je suis toujours entre deux projets, je suis déjà en train de composer en français pour le prochain disque, qui doit paraître en 2013. On verra après si je peux jumeler les deux univers. J’avoue que j’ignore encore comment y parvenir."

SYLVIA / La fuite
Geneviève Toupin / The Ocean Pictures Project
Disques Nomade
En magasin le 9 octobre

Concert-lancement le 10 octobre
Au Cercle

Écoute en ligne

Geneviève Toupin – My name
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Sylvia – Chalet Rouge
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