Sébastien Lacombe : Celui qui revient de loin
Musique

Sébastien Lacombe : Celui qui revient de loin

Aux détours du genre de voyage qui change une vie, l’auteur-compositeur montréalais Sébastien Lacombe propose Territoires, un troisième album qui documente cet exil imposé. Rencontre avec le globe-trotter troubadour.

À un moment, Sébastien Lacombe était prêt à tout abandonner. De sa carrière, du moins. Rencontré par une superbe journée d’été indien en plein coeur du Vieux-Montréal, il se confie: "Il y a eu un long moment après l’album précédent [Impression humaine, paru au printemps 2008], où je me suis dit que c’était fini. Je n’avais plus rien à dire. J’avais accepté le fait que je n’écrirais probablement plus rien de potable."

Or, c’est avec un nouvel album dans les mains, Territoires, lancé à la fin de l’été, qu’il nous parle.

Montréal-Dakar en deux temps

"Connais-tu celui qui vient de loin?" invective Lacombe sur la ballade folk Celui qui vient de loin. Idéale pièce pour lancer un tel document, opus dans lequel le chanteur relate un exil imposé pour lui, sa copine et ses marmots. Destination: Dakar, Sénégal. Population: 3 215 255. Sur papier, une ville pas si divergente que ça de son Montréal originel (il habite Villeray depuis un bon moment, prenant part activement à sa vie de quartier). Dans la vraie vie, il en est tout autrement. "Je me rappelle que lorsque nous sommes sortis de l’avion, la ville m’a paru comme si elle sortait de guerre. Le sable recouvrait des parties de la route que l’on traversait; les gens s’attroupaient autour de nous. Je me souviens du regard de mes enfants, pas mal effrayés."

Le paysage inhabituel de Dakar et son rythme particulier ont pourtant vite fait partie du quotidien de la famille Lacombe. "Tout ce qui nous avait frappés initialement était devenu confortable et assez banal en quelques jours. Comme quoi l’humain a une formidable capacité d’adaptation. Et pour mes enfants, c’est une expérience d’apprentissage intarissable", raconte le chanteur, ses mirettes bleues traduisant avec facilité la vivacité des souvenirs qui l’animent.

Si pour ses mômes le dépaysement a apporté des leçons de vie à vitesse grand V, il a permis à Lacombe de faire le plein de rencontres, de sonorités et d’influences qui viendront teinter plus tard les chansons qu’il couchera sur Territoires. À commencer par sa superstar de voisin, le rappeur sénégalais Didier Awadi, reconnu à travers la francophonie pour sa volonté d’intégrer la culture africaine au mouvement hip-hop. "Ce gars-là est vraiment, vraiment connu. Quand je suis retourné à Dakar il y a quelques mois, je suis passé par son studio d’enregistrement pour lui faire écouter l’album. Ç’a été une expérience vraiment intéressante", de soutenir celui qui échafaude en ce moment des plans pour une série de spectacles qu’il décrit comme "triangulaire: avec un Français, un Africain et moi". "Il n’y a pas de frontières."

En terrains (pas très) connus

Territoires, par ses thèmes (ses racines, la force de son bagage sociétal, l’empreinte de ses aïeuls, la place du soi dans le monde) et par sa recherche sonore qui emprunte quelques mouvances à la musique world et d’autres au blues, s’inscrit comme l’album le plus audacieux du troubadour, qu’on voyait rarement déroger du moule folk. "Je ne pouvais faire autrement que d’être influencé par la musique, par les moeurs et par les histoires des gens que nous avons rencontrés au fil de cette année-là", raconte celui qui a désigné l’Amérique du Sud comme étant la prochaine destination dans sa mire de globe-trotter.

On s’en doute, ce voyage sénégalais n’est pas le seul auquel Lacombe a pris part ces derniers mois, puisqu’il a été invité au 14e Sommet de la Francophonie, événement qui se tenait à Kinshasa en République démocratique du Congo, seconde capitale francophone sur la planète (Montréal est troisième). "J’ai pris un peu de risques. On nous disait de ne pas nous aventurer dans les rues; le risque de se faire kidnapper en échange de rançons était trop élevé. Apparemment, Kinshasa est très dangereuse. Mais je tenais à aller à la découverte des gens. Et j’ai fait des rencontres formidables."

"Ce que j’ai réalisé là-bas, c’est que la langue du colonisateur ne prévaut pas. Dans les rues, on entend le swahili, le lingala… La langue de leurs maisons, ce n’est pas le français. Pas celle du colonisateur. De plus en plus, les gens s’approprient la langue de leur choix."

Il conclut: "Le vrai combat, c’est ici au Canada. Là où les souches sont francophones. Parce que l’avenir de notre langue passe par le Québec, l’Ontario, la France, la Belgique… Je crois que l’espoir de la langue française réside ici."

Le 3 novembre
Au Troquet