Martin Léon : Terre humaine
Martin Léon complète la boucle, partageant l’album photo de ses voyages pour emmener avec lui le public au coeur de ce lieu intime où se fabriquent les chansons. Et les humains.
"Un jour, j’étais dans la baie d’Ha-Long au Vietnam, raconte Martin Léon. Je discutais en anglais avec un type et je lui disais: vous autres, vous pensez qu’on est libres en Occident avec nos grosses maisons, nos chars, tout ça. Le Vietnamien m’a laissé finir ma phrase, et il m’a simplement répondu: "We don’t think you’re free. Nobody’s free."" Léon tenait le titre de la quatrième pièce de son dernier-né.
L’aventure comme point de départ des chansons: c’est un peu le leitmotiv de ce spectacle qui débute deux ans après la parution de l’album Les atomes. Sur scène, Léon montre ses photos et se la joue un peu conteur, même s’il se défend bien de pouvoir se réclamer du titre. "Sauf que j’ai quand même demandé à Fred Pellerin de m’aider un peu." Disons qu’on a vu pire comme consultant pour ce genre.
Accompagné de sa guitare, d’une batterie et d’un projectionniste, Léon refait ses voyages à l’envers, plongeant dans ses souvenirs pour exhumer l’origine des chansons de son dernier disque. "Normalement, un spectacle, expose-t-il, c’est un peu une fleur que tu tends au public. Là, c’est plutôt les racines."
Pris dans le tourbillon de Monsieur Lazhar, dont il a composé la musique, et qui lui a confisqué un an de sa vie, le natif de Québec explique avec une adorable candeur que le travail sur le film et son succès n’expliquent pas à eux seuls le délai entre la parution d’un album populaire, vendu à plus de 25 000 exemplaires, et le passage des chansons sur scène.
La réalité est plus crue, plus éprouvante aussi: Léon ne pouvait pas supporter de se plier sagement au modus operandi du milieu musical. "Je pense que j’aurais tout lâché après si j’étais simplement monté sur scène pour faire un tour de chant. J’avais rencontré tous ces gens, j’avais vécu tellement de choses, je ne pouvais pas faire abstraction de ça, et continuer comme si rien ne s’était passé."
Il fallait raconter autrement qu’à l’habitude. Éperonner les conventions, changer de registre pour partager le merveilleux des rencontres humaines, la lenteur du voyage qui s’étire. On ne le prendra pas en flagrant délit de conformisme. "J’ai la chance d’avoir un autre chapeau, qui est celui de compositeur de musiques de films, ça me permet de vivre. Mais la scène, c’est sacré. C’est la seule manière que j’ai de témoigner de mon époque, de ce que je vis. Je veux être le plus honnête possible là-dedans, et faire les choses comme si c’était pour ma famille: pour qu’ils voient qui je suis, mais sans faire semblant, sans mentir. Je suis un chercheur…"
Qui trouve toujours ses réponses en arpentant les mêmes ornières. Celles qui l’avaient envoyé sur la voie d’évitement après Kiki BBQ (2002), avant le retour majestueux du Facteur vent (2007): de celles qui ramènent toujours à soi, à la construction d’une vie à dimension humaine.
"Et si je ne faisais pas de musiques de films? J’aurais fait la même chose, dit-il. Je n’aurais pas pu faire autrement. J’aurais été pauvre, c’est vrai. Mais c’est pas grave. Je ne viens pas d’une famille riche. J’ai grandi dans Saint-Roch, dans la Basse-Ville. Et puis je sais bien que tout ce que je possède peut disparaître demain. Je sais aussi que ça n’a pas grande importance."
Le 5 décembre, au Théâtre Petit Champlain
Le 7 décembre, au Grand Théâtre