Guy Bélanger : Le volant dans une main, l'harmo dans l'autre
Musique

Guy Bélanger : Le volant dans une main, l’harmo dans l’autre

Guy Bélanger fait plus que jamais prendre l’air à son instrument. Discussion avec l’extraordinaire harmoniciste autour de son troisième album, Dusty Trails.

C’est ce qu’on appelle boucler la boucle, fait-on remarquer à Guy Bélanger au sujet de Dusty Trails, troisième album cousu main pour les mélomanes-routards par un extraordinaire harmoniciste qui a jadis mis son instrument à sa main (ou devrait-on écrire à sa bouche?) derrière le volant. Authentique histoire: «Je faisais souvent des allers-retours entre Jonquière et Québec dans ma Bébé Austin, se souvient-il. Comme la radio ne fonctionnait pas, je prenais l’harmonica et je pratiquais. C’est vraiment comme ça que j’ai appris à jouer.»

Album de route, donc, mais pas de ceux – style George Thorogood ou ZZ Top – qui poussent à défier les limites de vitesse sur l’autoroute. Voici plutôt un album idéal pour tranquillement coudre et découdre une promenade dominicale sur les chemins de traverse d’une campagne mythiquement poussiéreuse avec la fille de ses rêves sur le siège du passager. On ne se surprendra pas d’entendre Bélanger nommer James Taylor, Lyle Lovett et John Hiatt, figures de proue du folk et de l’americana, lorsqu’on lui demande quelles musiques bercent ses promenades en char à lui; Dusty Trails affiche un indéniable parti pris folk, ce qui relève d’un certain courage pour un musicien qui a gagné ses épaulettes aux côtés du bluesman Bob Walsh (avec qui il joue toujours).

Folk et harmo forment donc un couple heureux, constate-t-on entre autres dans Don’t Touch That Dial (avec un trop rare Breen LeBœuf, d’une prenante vulnérabilité) et Wide and Wild (écrite et chantée par le guitariste André Lachance), des morceaux portant indiscutablement la patte Bélanger, mais dans lesquels le maître tient en bride sa virtuosité pour préconiser un jeu plus économe. «Comme j’ai accompagné beaucoup d’artistes avant de faire mes propres albums, j’ai très tôt appris à me mettre au service des chansons, explique-t-il. Quand tu es en présence d’une ligne mélodique forte, il faut savoir la respecter plutôt que de faire un festival d’harmonica. Je n’ai pas besoin de ça pour que les gens reconnaissent mon style. Je ne sais plus qui disait: « Quand tu fais un solo et que tu penses qu’il est bon, coupe-le de moitié et tu vas avoir exactement ce dont tu as besoin. » C’est la ligne de conduite que j’ai adoptée.»

Entouré sur scène des chanteurs-guitaristes André Lachance et Gilles Sioui, du bassiste Marc-André Drouin ainsi que du batteur Marc-André Larocque, Guy Bélanger refuse de se laisser définir par les clichés que charrie cet instrument auquel il dit vouloir plus que jamais faire prendre l’air en l’arrachant au carcan blues, un genre qu’il ne renie pas par ailleurs. «C’est un peu mon cheval de bataille, admet-il. Je fais ben attention à ce que les gens repartent du spectacle avec quelque chose en eux. Je pourrais aligner 45 blues les uns à côté des autres, faire un show de bar. Je préfère jouer parfois ben, ben minimaliste, comme dans Wide and Wild, pour après me permettre un vrai feu d’artifice.»

Et des feux d’artifice, Dusty Trails en fait exploser quelques-uns, dont The Wild Bunch (du titre d’un western américain), une réjouissante dérape pendant laquelle Antoine Gratton, branché sur le 220, administre une solide correction à son Clavinet. «Antoine, il “drive” à cent milles à l’heure. Il s’est lâché lousse.»

En mode pleins gaz comme en mode petit trot, le style Bélanger, teinté d’une irrévocable mélancolie à travers laquelle perce parfois un sourire, demeure reconnaissable en quelques notes. «La mélancolie, je crois que ça vient de la bande sonore que j’ai composée avec Claude Fradette pour Gaz bar blues, le film de mon frère Louis. L’harmo, c’est mon cinéma à moi.»

Le 7 décembre à 20h30
Au Vieux Clocher de Magog