Alain-François : Noël aux trousses
Alain-François swinguera la compagnie pendant La fête des fêtes au Vieux Clocher de Magog. Discussion avec un authentique maître ès temps des Fêtes.
L’entrevue ne pouvait débuter autrement, ô doux plaisir de la souvenance, que par un long monologue durant lequel le journaliste raconterait à Alain-François l’avoir vu à plusieurs reprises sur la scène de son école secondaire, à Asbestos, alors qu’il n’avait pas encore un poil au menton, la ziguezon zinzon. Alain-François répondait à cette époque – nous sommes quelque part autour de l’an 2000 – au charmant sobriquet de Ti-Loup Lamontagne, écumait le circuit des boîtes à chansons (il a longtemps dirigé le groupe en résidence du bar 2 Pierrots à Montréal) et venait faire swinguer l’adolescente compagnie d’une polyvalente à chaque Noël que ramenait le calendrier, le dernier vendredi avant le long congé. Du vrai fun que l’on aime à se remémorer.
Mais dis-nous, vieil ami, comment es-tu devenu Alain-François? Aurais-tu fait, ciboire, un pacte avec Satan semblable à celui qui a perdu les pauvres bons gars de la chasse-galerie? «Il y avait déjà un autre Alain Lamontagne», explique simplement le principal intéressé depuis son camion de tournée, quelque part entre Gatineau et Sainte-Marie-de-Beauce, en faisant référence à ce grand conteur, chanteur et podorythmiste, incontournable figure du milieu trad québécois. «La confusion s’étendait partout, même jusqu’en France. Une fois, à Chamonix, des gens étaient déçus parce qu’ils étaient venus voir l’autre Alain Lamontagne. Ç’a été un élément déclencheur. On a regardé dans mon arbre généalogique et, comme il y avait beaucoup de François, on a créé ce nom composé.»
Les spectacles du temps des Fêtes, Alain-François connaît, donc. Après trois «albums d’auteur-compositeur» parus entre 2003 et 2009, le fiévreux violoneux cédait aux insistantes requêtes de ses fans et sortait du fourneau l’an dernier son premier album rouge et vert, La trousse du temps des Fêtes, auquel succéderait un tout aussi festif tome 2, paru fin octobre (un véritable guide pratique répertoriant recettes, conseils et vidéos désopilants peut être consultée au troussedutempsdesfetes.com). Le Noël que le musicien avait aux trousses depuis le début de sa carrière aura enfin fini par le rattraper.
Composés de reprises et de morceaux originaux plus tendres, ces deux albums mitonnés autant pour le 25 décembre que pour le réveillon du jour de l’An auront surtout été remarqués pour leurs guillerettes chansons humoristiques, dont Prendre le champ (une relecture de Vive le vent maudissant ces sentiers de neige que deviennent trop souvent les routes québécoises l’hiver), Noël au Woolworth (clin d’œil à Noël au camp, classique involontairement comique de Tex Lecor) et Nous on croit au père Noël (revue de l’année à haute teneur ironisante). Des albums forcément enregistrés bien avant le première neige, une réalité contraignant Alain-François à s’inventer un Noël en plein été. «C’est très drôle, on fait le party du jour de l’An au mois de septembre avec toute la famille [on peut d’ailleurs visionner une vidéo de cette fête sur le site de la trousse grâce à un code d’accès disponible dans la pochette de l’album]. Je tiens à ce qu’il y ait des bonbons aux patates et du sucre à la crème sur la table dans le studio, à ce qu’il y ait un sapin et à ce qu’on porte des tuques de Noël. On se met dans l’ambiance du mieux qu’on peut.»
Rentrer dans ses cordes
C’est tout jeune qu’Alain-François réclame à sa mère un violon afin de pouvoir lui aussi prendre part aux festivités familiales imprégnées de musique. «Mon professeur, Aristide Poirier, me montrait des reels à la note. Ça faisait ben mon affaire, je pouvais les ramener à la maison et les jouer pour épater la famille», se souvient le Victoriavillois d’origine.
L’instrument deviendrait l’ingrédient liant de la manière Alain-François, empruntant au trad comme à la pop sans s’excuser. «L’école de la boîte à chansons a forgé mon style; il fallait faire du AC/DC comme de La Bottine Souriante. C’est sans doute pour ça que j’aime autant “rentrer” dans les cordes. J’ai une approche très rock. Le violon en prend pour son rhume. C’est bizarre ce que je vais te dire, mais quand j’ai découvert l’enregistrement de mon grand-père qui joue du violon [que l’on peut entendre sur la pièce Rosario, issue du deuxième album homonyme d’A.-F.], je me suis reconnu dans son coup d’archet, ça m’a frappé.»
Avec son spectacle La fête des fêtes, Alain-François promet de délier les jambes les plus récalcitrantes. «La jambe trahit le Québécois quand il entend un violon. Je pense que c’est dans nos gènes. Même ceux qui disent qu’ils n’aiment pas le violon, quand ça part, leur jambe ou leur talon les trahissent, j’te dis.» On t’cré, Alain!
Les 28 et 29 décembre
Au Vieux Clocher de Magog