Caroline Pépin-Coulombe : Enfant de la neo soul
La vague neo soul frappe enfin l’Estrie, alors que Caroline Pépin-Coulombe fait paraître son premier album, Losin’ Control.
Elle chante «I wanna pawn my heart» sur une des plus sautillantes chansons de son premier album, toute de souriant scat et de fougueux breaks cousue, mais Caroline Pépin-Coulombe n’a rien d’une abonnée au prêt usuraire. «C’est une métaphore», rigole-t-elle face à un intervieweur trop au ras des pâquerettes, qui reniflait déjà l’anecdote juteuse. «“I wanna pawn my heart”, ça veut dire que je suis prête à prendre des risques. Quand on va “pawner” un objet précieux, on sait qu’on peut le perdre.»
Au jeu du premier album accrocheur, Caroline Pépin-Coulombe ne sort certainement pas perdante. Coréalisé par l’artiste avec la groovissime section rythmique de la formation keb-world locale Obatala, Jonathan Boudreau (basse) et Jean-François Bégin (batterie), Losin’ Control emboîte le pas au mouvement de mise à jour des chatoyantes sonorités soul sixties – ce qu’on a baptisé la neo soul – qu’a propulsé au firmament l’incandescente Amy Winehouse avec le concours des Dap-Kings (Caroline Pépin-Coulombe évoque cependant davantage l’ingénuité d’une Duffy). «J’ai plus écouté ces chanteuses-là [elle nomme également Sharon Jones] que de vieux Motown», précise celle qu’il convient donc de qualifier d’authentique enfant de la neo soul.
«Cette musique-là me fait vibrer, ça ne s’appelle pas du soul pour rien, c’est chanté avec beaucoup d’âme. J’aime la groove [elle emploie le mot groove au féminin: adorable]. J’aime beaucoup le vieux hip-hop, tu vois, dans lequel je retrouve aussi cette groove-là», révèle-t-elle avant qu’on lui fasse remarquer que Do It Right, pétillante ode aux plaisirs d’une passion amoureuse négociée avec lenteur qui ouvre l’album, rappelle à notre souvenir la soyeuse sensualité des grands groupes de R&B féminins des années 90, dont En Vogue et TLC. «Avec Do It Right, je voulais dire qu’il faut prendre le temps de bien faire les choses, mais c’est la phrase “I wanna go with the flow” qui est la plus importante. La vie, c’est comme une rivière et quand on est dans une rivière, il est possible de contrôler un certain nombre de choses, mais il est impossible de gagner contre le courant. Il faut juste savoir le lire.»
Plutôt que de piocher dans l’abondant répertoire soul, la chanteuse aura eu le beau culot de se mesurer à l’histoire en proposant ses propres compositions, puisant également au blues, au jazz et au disco. Compositions en anglais dans le texte, sauf sur deux titres (Arbre à fleurs et Du temps pour rêver). «Les chansons en français qui me viennent, ce sont presque tout le temps des valses ou des berceuses. Quand j’entends un phrasé musical soul, je n’entends pas d’emblée du français. C’est difficile d’avoir la même énergie en français avec une musique de ce type-là, on ne peut pas couper et plier les mots de la même manière.» Qu’importe la langue, qu’elle se rende au pawnshop ou chez le prêteur sur gages, Caroline Pépin-Coulombe est prête à prendre des risques, prête à projeter avec puissance sa voix comme à en assumer la vulnérabilité. C’est l’essentiel.
Caroline Pépin-Coulombe
Losin’ Control (Indépendant)
Téléchargeable au carolinepepin-coulombe.bandcamp.com