Nanette Workman : Comme une voiture neuve
Musique

Nanette Workman : Comme une voiture neuve

La reine du blues Nanette Workman prévient sur son 21e album, Just Gettin’ Started, qu’elle est prête à «rocker le bateau» comme elle ne l’a jamais rocké.

La légendaire Nanette Workman est peut-être dans la soixantaine (nous savons très bien qu’il n’est pas poli de révéler l’âge d’une femme, mais dans ce cas-ci, Wikipédia a déjà accompli la sale besogne), rien ne l’empêche de nocer avec les amis-musiciens lorsque la belle occasion se présente. Quelques minutes après le début de notre matinal entretien téléphonique, la Honky Tonk Woman originale avouera donc, depuis Toronto où elle se trouve pour les Maple Blues Awards, avoir le cerveau en compote. «Steve Hill est arrivé hier pour le gala, on a fêté et là je me sens un peu baaaah. J’ai la tête enflée, disons.»

Un début d’entrevue drôlement en phase avec la chanson-titre du plus récent album de Workman, Just Gettin’ Started, dans laquelle la chanteuse prévient avoir la fougue requise pour «rocker le bateau» (rock the boat) comme elle ne l’a jamais fait, avant de se comparer, au mépris de son propre âge, à une rutilante voiture neuve («I’m feeling like a shiny new car»). Tissé d’amitiés, ce 21e disque (selon le décompte officiel de son entourage) aura été l’occasion pour la plus québécoise des Américaines de passer un coup de fil à tous les grands noms peuplant son carnet d’adresses (dont Steve Segal, Guy Bélanger, Jim Zeller, Sass Jordan, Frank Marino, Jimmy James). Même à Steve Hill, susmentionné corrupteur et dieu de la guitare, qui se fend avec sa dégaine habituelle d’un très stonesque riff pour Hurt My Heart, une frondeuse affirmation d’indépendance dans laquelle Nanette mord avec une redoutable autorité. «J’étais aussi excitée lorsque j’ai enregistré Just Gettin’ Started que lorsque j’ai enregistré mon premier album. C’est malheureux que je n’aie pas eu le temps de faire un triple album, j’aurais appelé plus de gens.»

En plus des nombreux morceaux originaux, Nanette Workman s’approprie avec la vulnérabilité que confère l’expérience Wild Horses, classique des Stones pour lesquels, rappelons-le, elle a déjà agi à titre de choriste (sur You Can’t Always Get What You Want, entre autres). Quant à sa reprise mégamusclée de It’s All Over Now, aussi popularisée par les vilains Anglais: «C’est la version originale des Valentinos qui m’a donné le goût de la refaire. Quand je choisis des covers, j’aime ça les changer pour que ça vaille la peine.»

Bien qu’elle ait presque de tout temps été une blueswoman dans l’âme et dans les cordes vocales – suffit de réécouter la Nanette disco qui a caracolé, avec le concours de Boule Noire, au sommet des palmarès ou celle qui s’agitait sur les buildings de cent étages de Naziland –, Madame Workman s’abandonne désormais tout entière à cette musique des tripes et de la douleur vécue, le blues, sans contempler un retour à la pop. «Le blues, c’est la musique qui me ressemble le plus, explique-t-elle. C’est là où je suis rendue dans ma vie. Ce sont plutôt les jeunes qui chantent de la pop. Je préfère chanter quelque chose que je “feele” honnêtement en moi. Je suis enfin capable de chanter des vérités, ce que je ne pouvais pas faire quand j’avais 20 ans.»