Hôtel Morphée : Urgences
Musique

Hôtel Morphée : Urgences

Après des mois d’attente – qui ont favorisé la création d’un buzz démentiel –, la formation Hôtel Morphée lance finalement son premier album, Des histoires de fantômes

Galerie Landry Thompson, quartier de la Distillerie, Toronto. Première rencontre entre Voir et Laurence Nerbonne, leader de la troupe Hôtel Morphée, depuis le Festival de l’Outaouais émergent en septembre dernier. Ce soir-là, Laurence présentait sa première exposition dans la Ville Reine. Dans Out of Site, l’artiste multidisciplinaire propose une série de portraits à la bichromie frappante; des regards profonds sur rideaux brun chocolat, des beautés au regard empreint d’une affliction certaine. «C’est drôle que le début de l’année me permette de présenter deux des plus gros projets sur lesquels j’ai travaillé dans ma vie, soutient Laurence. Cette exposition et l’album.»

Ce qu’elle retient de Toronto: «C’est une chouette ville. Une révélation. Je me sentirais vraiment à l’aise si un jour je venais habiter ici. Parfois je trouve que Montréal est un petit village, qu’il y a un peu trop de complaisance. J’ai l’impression qu’ici, tu es traité avec le même intérêt – ou désintérêt – que n’importe qui d’autre. C’est rafraîchissant.»

L’imperfection avant tout

Des histoires de fantômes sera lancé sur étiquette Audiogram le 12 février prochain, après des mois d’attente et de retours à la case départ pour les artistes et le label.

Garde à vous, premier simple tiré de l’album, avec son magnifique mais féroce vidéoclip, faisait état avec style des fondations sur lesquelles reposerait l’album: des arrangements plus rock, une représentation bagarreuse d’un folk rock planant présente tant dans les textes que dans l’énergie instinctive. Nerbonne acquiesce: «On voulait vraiment faire quelque chose de super honnête. L’album bouscule un peu; les chansons sont lancées. Parfois, c’est plus dur à encaisser.»

Une affirmation qui prend tout son sens au gré de l’écoute, particulièrement dans la pièce-titre, chanson aux arrangements anguleux et étrangement homériques. «Des histoires de fantômes, c’est très rock, il y a vraiment une énergie agressive. C’est inspiré de bands comme The Kills ou The Dead Weather, des groupes anglophones. C’est difficile de faire ce genre de musique avec le français, qui est une langue plus sinueuse. Y a Malajube qui a réussi à le faire très très bien. C’est vraiment quelque chose qui nous plaît beaucoup, explorer le côté plus rock, plus fort. Des histoires de fantômes a marqué un grand moment pour nous.» 

Elle poursuit à propos de Dessine-moi, qui s’articule sur une boucle rythmique qui rappelle presque les moments les plus expérimentaux de Björk. «C’est une chanson qui est née d’un élan de folie, de joie. Et c’est pas facile de représenter cette impulsivité en musique, l’euphorie. La chanson est passée par plusieurs arrangements, plusieurs textures, et au final, on a tous eu un gros kick dessus. On l’a barouettée pas mal, mais cette chanson nous a vraiment fait évoluer sur le plan musical.»

Par nécessité

C’est Philippe Brault (collaborateur de longue date de Pierre Lapointe) qui était derrière la console lors de l’enregistrement. Un choix qui s’est imposé naturellement, alors qu’il n’était engagé initialement que pour assurer la réalisation de quelques pièces. Au sujet de Brault, Nerbonne affirme: «On ne l’a pas senti quand Philippe a voulu nous pousser dans une direction ou une autre, parce que là où il voulait nous mener était tout à fait naturel; il nous a sans doute plus poussés qu’on le pense. En plus, Philippe nous a permis d’enlever cette gêne, les choses non nécessaires. Pour ma part, il m’a aidée à aller à l’essentiel dans l’interprétation vocale. On a enlevé le superflu.»

Au fil de l’entretien, Nerbonne mentionne à quelques reprises que cet album «n’est pas parfait». Mais qu’est-ce qu’elle modifierait, au fait? «Rien. Je changerais rien. Faut laisser aller. Artistiquement, si on retouchait, on n’arriverait à rien. Quand tu écoutes un album de Led Zeppelin, c’est pas parfait, mais c’est à ça que tu aspires. On assume ce côté imparfait. Quand on a créé cet album-là, on avait l’urgence de le créer, et je crois que ça s’entend partout sur l’album.»

Une soif insatiable qui se traduit aussi dans les plans d’avenir de la formation: créer rapidement un successeur à Des histoires…, mais surtout sortir du cadre, s’exporter. «On souhaite tourner partout. On ne veut surtout pas se confiner aux frontières du Québec. On est très contents d’avoir un public ici; j’aimerais par contre tourner partout avec l’album. Au Canada anglais, aux États-Unis. Nous, on pense que la musique, c’est plus grand que les limites géographiques.»

Elle conclut: «Il est temps pour le Québec de s’ouvrir sur autre chose.»

 

Des histoires de fantômes

(Audiogram)

En vente le 12 février