Philippe B, Avec pas d’casque et le Quatuor Molinari : L’équipe du tonnerre
Philippe B, Stéphane Lafleur d’Avec pas d’casque et Frédéric Lambert du Quatuor Molinari abordent leur propre petite révolution tranquille: un concert-événement folk présenté à guichets fermés à l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Entrevue chorale.
Autour de la table au café: Philippe B, auteur-compositeur-interprète à qui l’on doit, notamment, Variations fantômes, un troisième opus reconnu comme l’album local de l’année 2011. À sa droite, l’altiste Frédéric Lambert, qui, avec ses partenaires du Quatuor Molinari, a accompagné le premier dans la série de concerts suivant son fameux disque. En face du musicien classique: Stéphane Lafleur, qui, avec ses compères d’Avec pas d’casque, aura captivé les mélomanes québécois avec Astronomie, un quatrième compact qui s’est distingué autant au GAMIQ qu’à l’ADISQ. Le 8 février, la troupe, ainsi qu’un orchestre de chambre, réinterprétera les deux œuvres-cultes – à guichets fermés – devant une assemblée de 1500 fidèles. Un petit miracle en soi.
VOIR: Vous vous attendiez à un tel engouement?
(Philippe et Stéphane hésitent.)
Frédéric Lambert: «Moi, oui!»
Philippe B: «Je lui dois 20$, d’ailleurs.»
Comment ça?
F. L.: «J’ai gagé que ce serait sold out avant Noël!»
Stéphane Lafleur: «À un moment donné, il était question d’organiser le show en décembre, mais comme il y avait déjà plusieurs spectacles de prévus pendant ce mois, on s’est dit qu’on pourrait repousser jusqu’au début de l’année suivante. Ce serait plus calme et ça permettrait aussi d’écouler des billets qui seraient offerts en cadeaux de Noël, mais on n’a même pas eu la «chance» d’en profiter.»
Est-ce que ce spectacle pourrait aussi représenter une «petite victoire» pour les indépendants? Un pied de nez à certains pontifes de la droite à la Nathalie Elgrably-Lévy qui lient culture et rentabilité?
F. L. (qui porte un t-shirt «J’aime Nathalie Elgrably-Lévy (not)»): «Ce show représente l’opposé de ce qu’elle a écrit et à quel point notre projet peut fonctionner. Se limiter à la rentabilité n’a aucun sens. Si on n’écoutait que des gens comme elle, il n’y aurait pas de projets comme le nôtre.»
P. B.: «Mon affaire ne se serait pas rendue à un niveau où ça devient «rentable» sans les étapes précédentes qui ne l’étaient pas!»
F. L.: «De toute façon, ce n’est pas un projet qui a été monté en vue de faire de l’argent. C’est loin d’être un trip de cash! Si on avait été by the book avec ce show-là, il n’aurait jamais été monté. Ça a marché parce que les musiciens se connaissent, parce que les arrangeurs se sont prêtés au jeu de collaborer à un beau show. On demeure dans la loi de la Guilde, mais c’est minimum! Sinon, on ne monterait jamais de concerts de même et ce serait ennuyant!»
Et quelle est la petite histoire derrière cet événement, en fait?
S. L.: «Ça a commencé avec vous deux, non?»
F. L.: «À la base, il y avait notre show des Variations fantômes avec Philippe et le Quatuor Molinari.»
P. B.: «Et Fred étant un peu plus optimiste que moi dans la vie, il était convaincu qu’on pourrait remplir une salle comme le Conservatoire et que ce serait viable d’y jouer avec 12-13 musiciens!»
F. L.: «Et on l’a fait deux, trois fois au Conservatoire, puis aux Francos au Club Soda, puis on s’est dit que ce serait cool de le faire dans un endroit comme une église. J’y ai vu un concert de Timber Timbre et c’était hallucinant. En fait, j’ai vu plusieurs shows d’artistes anglophones dans des églises, mais pas beaucoup d’artistes francophones, et avec le caractère de la musique classique, les extraits de Tchaïkovski et compagnie qu’on retrouve sur le disque de Philippe, on s’est dit que ce serait le fun d’utiliser un endroit sacré et d’y adhérer. Ce qui veut dire: un concert sans alcool, où les gens seront assis un peu inconfortablement et où ils devront écouter. Puis on s’est dit qu’Avec pas d’casque ferait un collaborateur idéal!»
S. L.: «Je connaissais déjà Fred et j’avais vu un des shows au Conservatoire. En fait, Fred m’avait déjà approché auparavant. Il m’avait dit que chaque année, le Quatuor Molinari collaborait avec un band et il m’avait glissé qu’éventuellement, il aimerait faire de quoi avec nous…»
F. L.: «Hey! Au show avec Philippe B, tu m’avais dit que t’avais tripé, puis: « C’est sûr que je t’appelle! »»
(Les compères rigolent. Stéphane reprend son sérieux.)
S. L.: «Oui. Puis on a sorti Astronomie et on a finalement parlé de ça en avril, je crois.»
L’emballement autour du happening est surtout lié aux artistes et albums concernés. Comment réagissez-vous devant la passion que Philippe B et Avec pas d’casque suscitent?
S. L.: «Ben nous, on sort d’une année grand V! D’album en album, on constate que le public s’élargit. On le voit dans les ventes d’albums, mais aussi par la distance qu’on parcourt en tournée. On a monté toute une marche en 2012! Heureusement, ça demeure gérable, agréable et à hauteur d’homme. La réaction des gens donne surtout confiance en ce qu’on fait. Tu sais, Variations fantômes et Astronomie, ce ne sont pas des disques faciles à la base, ce n’est pas très pop.»
P. B.: «Et ce ne sont pas des blueprints pour des disques commerciaux à la « si tu fais ça comme ça, c’est clair que ça va marcher »!»
F. L.: «Ce ne sont pas vraiment des albums que tu mets dans des partys, disons…»
S. L.: «Puis quand on sort des albums comme ça et que la réaction est bonne, on se dit: « O.K.! On s’est donné le droit de faire comme ça et ça marche. On peut pousser un peu plus loin! » Et ça va de même avec Philippe, qui a livré un album hyper personnel. De voir que des projets comme ça peuvent fonctionner, ça me donne confiance. C’est niaiseux, mais j’ai hâte d’entendre la suite de mon band! J’ai hâte de savoir où on s’en va avec ça.»
P. B.: «De mon côté, toute cette attention ne me pèse pas. La pression artistique, c’est moi qui me la mets déjà. Je m’attends déjà à ce que le prochain soit moins bien reçu, parce que les attentes seront différentes. J’ai lu des critiques de Variations fantômes où moi-même je me disais: « Ben là, relaxe, man! » Moi, je me suis trouvé un challenge et je suis passé à travers. Là, j’en cherche un nouveau qui pourrait être moins complexe pour certains auditeurs, mais qui demeure un challenge pour moi.»
L’album Dommage que tu sois pris d’Avec pas d’casque en écoute exclusive sur Voir.ca dans la nuit du jeudi 31 janvier au vendredi 1er février, et ce de 23h à 1h.