Yo La Tengo : Persister plutôt que disparaître
Pas de crise de la trentaine pour Yo La Tengo sur son nouvel album Fade.
«Sometimes the bad guys go right on top. Sometimes the good guys lose. We try not to lose our hearts, not to lose our minds.» (Parfois, les vilains l’emportent. Parfois, les gentils perdent. On tente de ne pas y laisser notre cœur et notre esprit.) Ce sont ces mots qui donnent le ton à Fade, 13e gravé du groupe indie rock culte Yo La Tengo. «C’est une thématique rassurante, bien sûr, mais quand même universelle et qui s’applique autant à nous qu’au public», explique le bassiste James McNew en abordant la persistance, un sujet qui ressort tout particulièrement de l’opus en question. «L’espérance de vie d’un groupe rock demeure, en moyenne, aussi courte que la carrière d’un athlète professionnel. Le nôtre existe depuis près de 30 ans. Si on avait écrit de telles pièces il y a 15 ans, je crois que, déjà à cette époque, ça aurait été d’actualité!»
Yo La Tengo garde donc le cap et va même jusqu’à le faire en s’imposant de nouvelles assises. Ainsi, après des années à collaborer en studio avec Roger Moutenot (qui a apposé sa griffe sur sept albums du groupe de 1993 à 2009), McNew et ses collègues ont opté pour John McEntire, producteur et ami de la troupe de Hoboken, au New Jersey. «Il nous a surtout amenés à travailler très fort sur nos pièces et c’est ce qu’on voulait», explique McNew, faisant valoir que de mettre en mots des décennies de réflexes et d’habitudes a même revitalisé le combo. «On a eu à se liguer pour communiquer à John nos goûts, nos exigences et notre façon de travailler. Extérioriser tout ce processus était plutôt ardu, mais ça a fait en sorte qu’on a eu droit à une séance d’enregistrement vraiment plaisante, en plus d’être diablement productive.»
Noces de perle et de porcelaine
Alors que Yo La Tengo se rapproche de son 30e anniversaire, McNew, lui, célèbre cette année ses 20 ans de collaboration avec le couple Kaplan-Hubley. Une formalité, selon le fêté. «C’est toujours du pareil au même en ce qui me concerne», tranche-t-il, faisant valoir que la passion y est toujours… tout comme la place à l’amélioration. «On n’en est pas encore au plateau des virtuoses atteint par des formations comme Yes, par exemple, mais on s’améliore constamment autant sur le plan de la musique que sur le plan de la communication et de l’expérimentation.» Mieux encore, le groupe phare irait jusqu’à séduire un public inattendu.
Invité à commenter la présente tournée, McNew se dit satisfait de l’accueil réservé à Fade, mais surtout agréablement surpris par les mélomanes entrevus sous les feux. «Ce qui me surprend de cette tournée, à ce jour, c’est que j’ai l’impression qu’on y retrouve davantage de gens qui viennent à nos spectacles pour une première fois qu’au cours de nos dernières séries de concerts», confie-t-il, fébrile. Lorsqu’interrogé sur son excitation devant ces nouveaux visages, le musicien s’avoue médusé. «Je ne sais pas pourquoi ça m’interpelle autant.» Après une longue pause, il terminera avec une tentative d’explication. «J’imagine que c’est parce que c’est motivant de réaliser qu’un groupe qui existe depuis près de 30 ans peut toujours être quelque chose de nouveau pour quelqu’un… et parce que c’est toujours plaisant de se faire de nouveaux “amis” sur la route!»