Young Rival : Jeunesse d’aujourd’hui
Ils sont jeunes et veulent le demeurer le plus longtemps possible. Ils ont un accès privilégié auprès du dieu des mélodies velcro et font honneur à sa confiance en martelant avec pétulance leurs instruments. Ils s’appellent Young Rival et garantissent un concert 100% fun, sans retenue, ni introspection.
Jeune, jeune, jeune, jeune, jeune, jeune. Tabarouette que tout le monde avait ce mot à la bouche en 2012, n’est-ce pas? Quand l’orgiaque Ke$ha n’intimait pas à un jeune homme, à l’aube d’une nuit étoilée, de se comporter avec elle comme s’ils allaient tous deux mourir bientôt (Die Young), ce sont les nouveaux visages poupons de la pop, fun., qui claironnaient sur les ondes hertziennes vouloir foutre le feu à la planète pour la simple et très bonne raison qu’ils sont jeunes et qu’il fait bon brûler la chandelle par les deux bouts lorsqu’on est jeune (We Are Young). Depuis Hamilton, Ontario, trois disciples des Kinks et de Link Wray répondant au nom de Young Rival contribueraient eux aussi à l’omniprésence du mot jeune en balançant comme une grosse éclaboussure de boisson énergisante dans la flaque fétide de l’indie rock studieusement cool (et corollairement somnifère) un troisième album intitulé Stay Young, rencontre sans fioritures ni posture entre des mélodies velcro et un jeu rasoir propre à réconcilier n’importe qui a démissionné du rock avec le genre.
Ce titre, s’agit-il d’une prescription ou d’un souhait?, demande-t-on au batteur Noah Fralick, à l’aube d’une tournée qui mènera le trio (complété par le chanteur principal et guitariste Aron D’Alesio ainsi que par le bassiste John Smith) sur les autoroutes enneigées du vaste Québec, rare et très chouette incursion en province pour une formation émergente du ROC. «S’appeler Young Rival, c’est déjà une sorte de proclamation, et ce titre, Stay Young, c’est une manière de se dire entre nous que nous voulons demeurer Young Rival le plus longtemps possible. Nous voulons cultiver cette énergie et cette fouge de la jeunesse, oui.»
Une énergie avec laquelle le trio remplit le réservoir de sa voiture de course avant de monter sur scène pour balancer des concerts sans retenue, ni moment d’introspection, enfilant têtes baissées les refrains entêtants avec un souriant et réel enthousiasme que dédaignent plusieurs de leurs compétiteurs trop occupés à prendre la pose. Fralick attribue à la ville natale du groupe l’éthique de travail (pour parler comme à RDS) de sa bande. «Faire un spectacle rock’n’roll simple et efficace est notre but principal. Nous étions quatre au début et le départ de notre guitariste nous a contraints à devenir des musiciens plus solides. C’est sûr que Hamilton a aussi eu une influence sur notre approche de la scène. C’est une ville ouvrière, très vraie, très authentique, qui a toujours été dans l’ombre de Toronto. Les gens qui y vivent travaillent fort. Nous ne voulons pas être des musiciens qui essaient d’être cool. Tout ce que nous voulons, c’est que les gens aient du fun.»
Esclaves de la mélodie
Bien que l’étiquette surf revienne souvent dans les critiques disséquant le son Young Rival (ce qui n’a rien d’une bêtise, la guitare de D’Alesio évoquant bel et bien celle d’un Dick Dale), les mélodies infectieuses trônent en tête de liste des principaux atouts de ce trio qui, à l’instar des grands noms de la powerpop, estime qu’il n’a bien accompli son travail que lorsqu’il a planté une ritournelle dans la tête du mélomane. «Nous essayons d’abord et avant tout de bâtir nos chansons autour d’idées mélodiques, confirme Fralick. Nous nous appliquons à montrer à l’auditeur où se trouve la partie accrocheuse de la chanson en mettant par exemple une harmonie par-dessus le hook, ce qui le fait briller encore plus fort.»
Tout aussi obéissants au grand dieu de la mélodie soient-ils, les jeunes rivaux ne se refusent pas pour autant aux plaisirs marketing de l’époque post-CD et s’activent à disséminer leur musique en imaginant des stratégies saugrenues. La plus inusitée du lot: un jeu vidéo en ligne nommé Young Rival Guitar Fishing (jouez dès maintenant au youngrival.com/guitarfishing), concrétisation virtuelle du fantasme de tous les guitaristes (?): prendre du poisson à l’aide d’une six cordes électrifiée. Vous pourriez apporter à Sherbrooke un peu de l’herbe grâce à laquelle cette illumination vous a foudroyés, les gars? «C’est l’idée du frère de John, corrige Noah. Il a rêvé une nuit qu’il descendait le Nil sur un nénuphar en pêchant avec une guitare. John, qui est très doué en programmation, trouvait l’image trop bonne pour ne pas en faire un jeu.» Mais qu’est-ce qu’ils sont fous, ces jeunes!