Bénabar : Joyeux et fier de l'être
Musique

Bénabar : Joyeux et fier de l’être

Bénabar porte haut le flambeau d’une chanson populaire qui ne nivelle pas par le bas. Plaidoyer pour des variétés nobles en compagnie d’un auteur-compositeur se réclamant autant de Joe Dassin que de Renaud, à l’aube de sa première tournée québécoise.

C’est ce qu’on appelle le grand écart: Bénabar invoque autant un Renaud (rien qui demande un grand courage) qu’un Joe Dassin (c’est moins évident) quand vient le temps d’inscrire dans une filiation sa manière de festive chanson réaliste à lui. Son ambition: raconter des histoires dans le creux de l’oreille de la multitude sans niveler par le bas, amuser les foules sans les abrutir. «Joe Dassin, c’est le symbole pour moi, comme Michel Delpech, de variétés françaises qu’une critique un peu snob a méprisées. Ce qui me passionne dans ce boulot et que j’aimerais arriver à faire, c’est m’adresser à tout le monde comme eux l’ont fait. Quand on parle de variétés, on pense à une chanson racoleuse, commerciale, bébête, mais ce ne sont pas des mots qui me viennent en tête quand je pense à Joe Dassin ou à Alain Souchon, par exemple.»

Trop gentillet ou beige, selon certains de ses collègues pour qui il est le symbole d’une chanson française engoncée dans de vieux codes, Bruno Nicolini, de son vrai nom, faisait le pari de prendre à contre-pied ses détracteurs en se réclamant d’une flopée de faux défauts dans Politiquement correct, autoportrait d’un vrai gentil gravé sur son plus récent album, Les bénéfices du doute. «J’aime mes parents et mes enfants, c’est bien pensant / J’aime pas la guerre ni la misère, c’est énervant / Tu trouves ça peut-être politiquement correct… / Mais moi j’t’emmerde!», leur balance-t-il à la gueule dans un rare moment d’irrévérence. C’est votre côté Renaud, monsieur?

«J’aime beaucoup les vrais rebelles, commente-t-il, mais je trouve qu’il y a beaucoup de faux rebelles en musique actuellement, des rebelles en carton de télévision, des petits-bourgeois qui mettent des jeans déchirés. C’est ce que j’appelle le syndrome du t-shirt Che Guevara. Ça m’amuse dans le meilleur des cas, m’exaspère dans le pire. Moi, je n’ai pas besoin de jouer les rebelles. J’ai mes opinions, je me fâche quand j’ai envie de me fâcher, mais la posture ne m’intéresse pas.»

À l’aube d’une première vraie tournée du Québec qu’il a peu visité, la faute à une peur paralysante de l’avion (qu’il soigne) et à son tempérament casanier, l’auteur-compositeur lance La phrase qu’on n’a pas dite, compilation spécialement conçue pour ce côté-ci de l’océan et augmentée d’un duo inédit en compagnie d’Amylie (Titus et Bérénice), petit cadeau offert à une province avec laquelle il dit vouloir établir un dialogue sur la durée. «Je crois beaucoup à la notion de spectacle, de divertissement, explique-t-il en évoquant le concert tissé de nouveautés et de classiques de son répertoire qu’il présentera. Je crois que nous sommes là pour ça. Ça ne veut pas dire faire une chanson forcément plus légère. Il y a une sorte de malentendu en France, beaucoup de gens se prennent pour des "artistes", il faut que ce soit sombre, que ce soit très "inspiré". Ça ne m’empêche pas de faire des chansons plus tristes, mais moi, j’aime bien les chansons joyeuses.»