Brigitte : Femmes libérées
Musique

Brigitte : Femmes libérées

Libérées de la pression du succès à tout prix, Sylvie Hoarau et Aurélie Saada font comme il leur chante. Appelez-les Brigitte.

«On a longtemps été des loseuses, c’est très émouvant d’avoir une Victoire. Nous la dédions à tous les losers», déclaraient les excentriques demoiselles derrière Brigitte (qui ne se prénomment pas du tout Brigitte d’ailleurs) en cueillant leur statuette (dans la catégorie Groupe ou artiste révélation scène) au gala du même nom l’an dernier. C’est que les chanteuses ont longtemps galéré dans les bas-côtés du milieu de la musique avant de revêtir les flamboyantes robes dont elles s’attifent aujourd’hui sur scène, Aurélie Saada sous le pseudo Mayane Deleme et Sylvie Hoarau avec le groupe Vendetta. «On a toutes les deux eu notre chance et ça n’a pas marché, explique en toute franchise cette dernière au bout du fil. Ça nous a rapprochées d’avoir connu des moments difficiles et ça nous a permis de nous libérer de la pression qu’on s’était jadis imposée. « De toute façon, Brigitte, c’est notre dernier projet », qu’on se disait. « On n’a plus rien à prouver, plus rien à perdre, faisons ce qui nous éclate, osons ce que nous n’avons jamais osé faire. »»

Ce qu’elles n’avaient jamais osé faire? «Shooter» à l’hélium et à l’autodérision une pop malicieusement décomplexée et ludiquement référentielle, qui réunirait sous un même parapluie des reprises improbables (de NTM, par exemple, pour une relecture franchement bandante de Ma Benz, sanctionnée par sir JoeyStarr en personne) et des chansons originales héritières du Gainsbourg période yé-yé. «Si j’avais le cœur dur comme de la pierre / J’embrasserais tous les garçons de la Terre / Mais moi j’ai le cœur comme du chewing-gum / Tu me goûtes et je te colle», roucoulent-elles dans Cœur de chewing-gum, et on ne pourrait mieux encapsuler le tiraillement constant entre les désirs hédonistes de la Brigitte chatte et les envies de tendresse de la Brigitte amoureuse qui s’expriment sur la première offrande du duo, Et vous, tu m’aimes?. «On entend sur l’album la femme trompée, la femme qui trompe, la femme abandonnée, taquine, séductrice, dépressive, alcoolique, contradictoire, légère, la mère. Ces femmes-là sont toutes en nous, en fait», résume la sosie de Nana Mouskouri (lorsqu’elle porte ses lunettes).

Bien qu’indéniablement tributaires de l’influence des grandes figures de la pop française décloisonnée (le pseudonyme Brigitte est après tout un hommage à Brigitte Fontaine, à Brigitte Bardot et à la star du porno Brigitte Lahaie), Saada et Hoarau réfutent le vilain adjectif «rétro». «Inclure The Bay de Metronomy sur Encore – album essentiellement constitué de reprises, toujours inédit au Québec – était une manière de dire qu’on n’aime pas tellement être catalogué groupe nostalgique.»

Message aux dames: Brigitte souhaite que l’extravagante qui sommeille en vous ouvre les écoutilles de sa folie pendant son concert. «Toutes les filles ont une robe très sexy, ou très colorée, qu’elles n’arrivent jamais à mettre. Nous, on leur dit: « Venez danser avec vos robes de princesse ou de pute. Faites comme nous. »» Être une femme libérée, tu sais, ce n’est peut-être pas si difficile, finalement.